Ici, les tas de fumier et les chants du coq n’ont jamais conduit jusqu’au tribunal mais la Creuse n’est pas exempte non plus de conflits entre agriculteurs et nouveaux arrivants. Bien souvent dus d’ailleurs à une méconnaissance, plus qu’à de véritables différends. « Quelqu’un qui a toujours vécu en ville, il ne va pas forcément comprendre pourquoi une moissonneuse peut tourner à minuit alors que si l’agriculteur finit ses moissons aussi tard, c’est simplement parce qu’on a annoncé du mauvais temps », rapporte ainsi Pascal Lerousseau, président de la chambre d’Agriculture. De l’autre côté, « il y a aussi des agriculteurs qui ont l’habitude, par exemple, de mettre leurs tas d’enrubannage dans un champ en bord de route, ce qui fait qu’à force de passer et repasser au même endroit boueux, c’est sur la route que les roues du tracteur vont laisser la boue », enchaîne Jacques Tournier, agriculteur et élu à Vallière. Tous deux illustrent ainsi les sources de conflits qui peuvent exister dans les campagnes.
D’où l’idée d’une charte co-rédigée par des représentants d’agriculteurs, d’élus et de particuliers (*) de la Creuse pour que chacun y mette du sien en somme.
Un engagement moralL’engagement est moral, il ne s’agit pas de la faire signer à chaque nouvel habitant : la charte de bienvenue en campagne creusoise – c’est son nom – vise d’abord « à enclencher une discussion, souligne le président de la chambre d’Agriculture. Elle n’a pas la prétention de régler tous les problèmes mais le but, c’est d’ouvrir le dialogue. De plus en plus de gens viennent s’installer en Creuse, surtout depuis le Covid, et ils ne connaissent pas forcément la campagne. Quand de jeunes veaux sont sevrés, par exemple, ils vont bramer pendant trois ou quatre nuits. C’est normal mais si on ne le sait pas… ».
Aux élus désormais de faire vivre cette charteLa balle est aujourd’hui dans le camp des municipalités : chaque mairie a en effet reçu des exemplaires de la charte ainsi que des guides et des affiches. Aux élus donc – bien souvent en première ligne pour désamorcer ces conflits – de la faire vivre. Dominique Guinot, adjoint à La Celle-Dunoise, ne s’est pas fait prier pour se l’approprier.
« Dès que je l’ai reçue et lue, j’ai décidé de la faire passer dans notre bulletin municipal. Cette charte est très concrète, elle pose bien les choses. Ce qui est très intéressant, c’est ce qu’on dit aux nouveaux arrivants, qui viennent vivre en Creuse pour la qualité de vie et de l’air : si la vie est comme ça ici, c’est grâce aux paysans. Qui ne font pas du bruit avec leurs tracteurs pour emmerder les gens mais parce qu’ils travaillent. Et les agriculteurs, qu’on décrit souvent comme taiseux, n’ont pas forcément le temps non plus d’expliquer ce qu’ils font. »Et pourtant. Ils sont bien les mieux placés pour en parler. D’où cette autre initiative lancée par la chambre d’Agriculture : des formations pour apprendre aux agriculteurs à mieux communiquer sur leur métier.
Contre l'agribashing, les agriculteurs de Creuse dégainent le #AimeTonAgri
« Et une fois qu’on aura assez d’agriculteurs ambassadeurs, on proposera aux maires, par exemple dans le cadre de leur cérémonie d’accueil des nouveaux arrivants, d’organiser des journées portes ouvertes à la ferme », annonce ainsi Nathalie Degeorges, chargée de communication à la chambre d’Agriculture.
Séverine Perrier
(*) Le président de la chambre d’Agriculture, les co-présidents de l’Amac et la présidente de l’association des consommateurs. La charte a également été soumise à la validation de différents acteurs du territoire.