Cheveux gris coupés ras, c’est un colosse aux larges mains qui s’est rendu à la barre. Pour la première fois ce mardi 8 novembre, le père d’Audrey, morte à 28 ans sous les coups de son compagnon dans la nuit du 30 au 31 décembre 2019 à Ussel (Corrèze), s’est exprimé à la barre de la cour d’assises de la Corrèze, installant un silence d’airain entre chaque respiration.
« Tu es un monstre, tu as tout détruit ! »« Je ne pourrai pas parler de ma fille… », a-t-il indiqué dans une émotion contenue. Le Noël avant la nuit tragique des faits, ce retraité au regard bleu de larmes ravalées expliquait avoir trouvé sa fille « moins souriante qu’avant, un peu triste, amaigrie, aussi ». Puis le retraité, impressionnant par sa stature autant que son économie de gestes et de mots, a fini par dire le poids d’un petit-fils qu’il faut désormais élever comme un fils.
« Est-ce qu’il réclame sa maman ? » a demandé la présidente. Tête basse, reprenant son souffle et son courage, le père de la victime a confié : « Oui… On l’amène régulièrement au cimetière. Sur la tombe, il y a une photo. Il voit sa maman, il lui parle. » Nouvelle question, empreinte d’empathie : « Comment voyez-vous l’avenir de votre petit-fils ? » ; « On va faire notre possible pour qu’il devienne un homme. Parfois, je fourche et je l’appelle mon fils… » Pour la première fois, la position de déni et de défiance de l’accusé, Pedro P. D. 38 ans, s’est un peu fissurée, l’accusé lâchant d’une voix blanche à l’attention du père d’Audrey : « Je m’en veux vraiment de lui avoir enlevé sa fille et à mon fils sa maman… »
Des excuses tardives qui ont immédiatement provoqué la colère de la partie civile, le retraité faisant volte-face vers le box des accusés pour hurler : « Tu es un monstre ! Tu as tout détruit, ma famille, ton fils ! »
Toujours imprécis sur la nature des coupsLa mère de la victime, en rejoignant en chancelant la barre à son tour, a également témoigné de cette vie brisée. « C’était une jeune fille extraordinaire, avec une grande joie de vivre… Ma fille est morte deux fois : dans la nuit du 30 décembre 2019, et quand les gendarmes sont venus m’annoncer son décès. » Et de crier dans un sanglot : « Il l’a tabassée. Non, il l’a massacrée ! »
Des mots qui ont résonné avec les constatations médico-légales détaillées, planches photographiques difficilement soutenables à l’appui, du médecin expert en début de matinée. « L’examen externe du corps, retrouvé sur le dos dans la chambre conjugale recouvert d’une housse de couette, a montré énormément de lésions traumatiques. Aucune partie du corps n’est épargnée », a indiqué le docteur, précisant, notamment, que la victime présentait six côtes cassées et était morte des suites d’un traumatisme crânien.
Interrogé, comme la veille, sur la chronologie des faits et sur la nature et le nombre des coups portés, Pedro P. D. est resté imprécis, éludant les questions jusqu’à agacer la cour. Alors qu’il niait la présence de son fils lors des violences assénées à sa compagne, l’avocat général lui a rétorqué : « Monsieur, on ne peut pas affirmer “je ne me souviens pas” et en même temps assurer de façon catégorique “mon fils n’était pas présent” ou encore” je ne lui ai pas donné de coups de poing ! »
Une certitude, cependant, les coups mortels ont été d’une violence inouïe : « Ces lésions mortelles au cerveau sont en général observées chez des victimes d’accidents de la route »…
Julien Bachellerie