Travailler avec la pression ? Ils adorent. Et à longueur d’année, tant qu’à faire. La pression ? Celle que ces gérants de bars servent à longeur d’année auprès d’une clientèle toujours plus fidèle, et surtout en quête de produits toujours plus élaborés. Il n’y a qu’à voir le nombre croissant de royaumes de la mousse qui ont ouvert ces dernières années, et leur fréquentation grandissante, pour constater que la bière s’est désormais taillée une solide réputation dans l’univers vichyssois de la convivialité et des bonnes saveurs.
Le goût du local et du terroirDans le centre de Vichy, passage de l’Amirauté, Cyril Beau avait été l’un des premiers à ouvrir sa Taverne, en 2019. En bouteille et surtout à la pression, le souriant gérant propose des bières en grande majorité issues d’une fabrication artisanale, venues de Nantes mais aussi du Dark Lab, fameuse brasserie clermontoise. Et l’affluence est au rendez-vous : été comme hiver, la Taverne de Cyril est souvent noire de monde. Et elle a su se créer un joli réseau d’habitués, au grand plaisir dun maître des lieux pour qui « les gens sont sensibles au fait de découvrir de nouvelles bières, et des produits locaux. D’autant qu’ils ne sont pas forcément plus chers que les autres ».
« Les gens sont sensibles au fait de découvrir de nouvelles bières, et des produits locaux. D’autant qu’ils ne sont pas forcément plus chers que les autres »Bar la taverne a Vichy Cyril le gerant
Les « autres », comprendre ces bières industrielles que les gérants de bar ne rechignent évidemment à proposer, même si l’époque semble bien être à la bière de terroir. Ce que confirme Thomas Chatillon, patron de la Cervoiserie, qui a ouvert en fin d’année dernière dans la zone commerciale des Peupliers, à Cusset. « On a de plus en plus de demandes sur des produits locaux. Et ce d’autant plus qu’on a aussi une clientèle touristique, qui veut pouvoir goûter et ramener chez elle des produits du coin », constate le gérant d’un établissement où les bières auvergnates ont trouvé une place de choix sur les étals. « Et je tiens à avoir un contact direct avec ceux qui les brassent. Connaître le brasseur, c’est le meilleur moyen de connaître son produit ».
Thomas Chatillon, gérant de la Cervoiserie, met en lumière une riche gamme de bières auvergnates.
La bière juste pour l'ivresse, c'est fini
Les brasseurs justement. Eux aussi sont toujours plus nombreux à produire ces breuvages artisanaux à la notoriété grimpante. Installé à Mazerier depuis 2019, Patrick Soquet est l’un d’eux. A raison de près de 1.000 litres par semaine, cet ancien informaticien, qui a changé de vie pour se lancer dans l’aventure de La brasserie du Jugement Dernier, décline une gamme de huit bières « dans une démarche écologique ». La chaudière est à bois, le malt est produit en Auvergne et, dans cette ancienne dépendance du château de Mazerier où il s’est installé, Patrick fabrique « des bières vivantes, qui ont toutes un équilibre et une identité, quitte parfois à tester une recette dix fois ». Des bières qui trouvent leur place « dans des supérettes de proximité, mais aussi dans des futs pour des festivals, comme récemment à Trévol pour Château Perché ». Et le brasseur, qui commence enfin à pouvoir vivre de sa pratique après avoir investi 200.000€, en est certain : « Quand on a bu une bière artisanale, on a du mal à revenir à l’industriel ».
Patrick Soquet s'est lancé dans l'aventure de la brasserie, à Mazerier. Il y fabrique des bières "d'identité, dans une démarche écologique".
Une mini-brasserie de kombucha à Saint-Menoux (Allier)
La bière est-elle le nouveau vin ?Une philosphie partagée par Willy Sabot, qui fabrique depuis peu sa bière paysanne à Cindré, en lien avec la permaculture des Jardins d’Elodie. Ici, comme un symbole d’une filière brassicole en plein essor, le houblon est fabriqué sur place. Et la bière est vendue dans les bars locaux mais surtout à la ferme, où les plantes aromatiques et le miel produits rentrent aussi dans les recettes des breuvages. « On veut brasser en suivant les récoltes, en étant dans l’ultralocal. On fait de la vraie bière bourbonnaise ! », sourit celui qui se définit fièrement comme un « paysan brasseur ». Et qui, comme tant d’autres de ces artisans du houblon, en est convaincu: « La bière juste pour l’ivresse, c’est terminé. Aujourd’hui, les gens veulent des produits élaborés, et du local. Finalment, c’est un peu comme le vin ». La pression en plus.
=> Ces lieux où il est aussi possible de déguster des bières à Vichy (avec modération, bien entendu) : le Binche, le Bazar de l'Opera, les Ambassadeurs, le Gaulois, l'Academie, le 7, les guinguettes de berges d'Allier...
Pierre Geraudie
Photos Corentin Garault