Depuis 2006, il engrange titres et trophées. La soixantaine passée, David Oukoloff continue à faire parler de lui dans le monde du bras de fer sportif, uniquement "pour le plaisir".
Mettre la paume de sa main dans celle de David Oukoloff, 115 kg pour un mètre quatre-vingt-dix, a déjà de quoi déstabiliser. Et quand il pose ses doigts sur les vôtres, c’est comme si une ganse de plomb, à la fois légère et inextricable, venait de se refermer ; un peu comme une pierre tombale.
Pas besoin de prier ; David Oukoloff n’est pas du genre à vouloir humilier gratuitement son partenaire du moment. Il est même prévenant, donnant quelques conseils : ne pas casser le poignet, garder les épaules parallèles…
C’est tout le corps qui doit travailler : le dos, les abdos, les appuis. Quand j’étais plus jeune, j’étais du genre bourrin, persuadé que seule la force comptait. Mais la puissance ne fait pas tout.
On veut bien le croire. À 64 ans, ce Briviste, aux faux airs de l’acteur américain John Malkovich, rentre de Pologne où il a décroché, fin mai 2022, le titre de champion d’Europe de bras de fer, bras droit ET bras gauche, dans sa catégorie (vétéran).
Champion des deux bras, un cas plutôt rare sur le circuitIl n’avait pas besoin de ce titre pour imposer le respect : cet ancien militaire, passé par les forces spéciales, les parachutistes et le 126e RI de Brive, a déjà été sacré plusieurs fois champion de France, d’Europe et du monde, du bras droit, du bras gauche ou des deux ; plutôt rare sur le circuit.
" J’ai encore faim et je suis sans doute un peu immature", confie cette force de la nature pour justifier sa quête de titres. En septembre 2022, il sera à Dieppe, dans le Nord de la France, pour les championnats du monde (500 à 600 participants, 60 catégories). Curieusement, il appréhende un peu : "L’été, c’est un sale temps pour les gros. Quand il fait chaud, j’ai du mal lors des entraînements."
Ne vous y trompez pas. David Oukoloff ne pratique pas le bras de fer de comptoir, mais un véritable sport. Il est particulièrement codifié, même si la pratique est sans doute millénaire. "Lors des compétitions, il y a deux arbitres, un qui place les mains et l’autre qui surveille les coudes, qui ne peuvent pas sortir d’une zone. La moindre faute est sanctionnée."
L'admiration des AméricainsIl l’a découvert "par hasard", en assistant à une compétition du côté de Perpezac-le-Noir, en 2006. David Oukoloff craque d’autant plus facilement qu’un problème de genou vient de mettre un terme à sa présence sur les terrains de rugby, avec le club de Larche.
Assez vite, il enchaîne les matchs et les voyages à l’étranger (à ses frais) : Venise, Las Vegas, São Paulo. Avec le recul, il se juge "un peu naïf" dans un monde où ce n’est pas vraiment une qualité. En revanche, sa force physique fait merveille pour truster les premières places, faisant l’admiration des Américains, ceux-là mêmes qui ont relancé le bras de fer sportif dans les années 1960.
La soixantaine passée, le Briviste est toujours doté d’une solide carrure, qu’il entretient régulièrement lors de séances de musculation en salle, et accessoirement en travaillant au sein d’une entreprise de travaux publics.
David Oukoloff a pourtant perdu en puissance. On n’a pas testé ; il le dit lui-même : "À force d’entraînement, j’ai été victime d’une tendinite dans un bras, à ne pas pouvoir dormir la nuit. En 2015, j’ai eu une rupture du tendon d’un biceps. J’ai dû laisser de côté le bras de fer durant quelque temps."
" Contourner les points forts de son adversaire"Une profonde remise en question, comme en connaissent les grands athlètes, après de sévères blessures. "La puissance ne fait pas tout, répète-t-il. Oui, je préfère l’action à la réflexion. Comme pour la boxe, le bras de fer demande de la technique. Il faut apprendre à contourner les points forts de son adversaire."
Le retour est gagnant, avec, en 2018, son sacre en Turquie et un nouveau trophée de champion du monde, bras droit et bras gauche. Il affirme n’avoir rien sacrifié. Alors comment fait-il ?
"En général, les gens disent de moi que je suis plutôt débonnaire. Mais pendant un match, j’ai la niaque.
Comprenez : la combativité, une volonté à toute épreuve de gagner. Le sport de force tangente avec le sport de combat. "Ça se passe beaucoup dans le regard. C’est une façon de faire pression sur l’adversaire."
Et ça lui rapporte quoi ? "Rien, financièrement", assure-t-il. Si certains ferristes étrangers vivent de leur art, David Oukoloff n’en tire que des médailles et des trophées, et beaucoup de "plaisir", celui de l’effort gratuit et de la gagne.
"En France (où l’on recense deux organisations, la fédération et la ligue, NDLR), dans ma catégorie, personne ne me pose problème, en tout cas en ligue. Je sais qu’il y en a un en fédé. J’aimerais bien aller l’affronter."