Après Guillaume Peltier, venu des Républicains, Eric Zemmour a engrangé deux ralliements du Rassemblement national, mercredi 19 et jeudi 20 janvier, avec les arrivées de l'eurodéputé Jérôme Rivière et du militant Damien Rieu. Pour le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus, il s'agit d'une « clarification ».
Après Guillaume Peltier, venu des Républicains (LR), Eric Zemmour a donc enregistré une nouvelle prise importante avec l’arrivée de Jérôme Rivière, qui était également le chef de la délégation française au sein du groupe Identité et démocratie (extrême droite nationaliste) au Parlement européen.
Puis, en début d'après-midi, ce jeudi 20 janvier, c'est Damien Rieu, le cofondateur de Génération identitaire et ex-candidat du RN aux départementales, qui a annoncé sur Twitter son soutien à Eric Zemmour. « J'ai toujours été un électeur et un militant du FN, puis du RN (...) mais depuis quelques années, je constate que malgré nos efforts nous n'arrivons plus à mobiliser nos électeurs », écrit-il dans un communiqué.
Pour Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR), il s'agit d'une « clarification salubre pour tout le monde ».
Jérôme Rivière et Damien Rieu viennent d'annoncer leur ralliement à Éric Zemmour. Ces annonces vous ont-elles surpris ?
Pour Jérôme Riviere, c'est une surprise, car il était chef de délégation au Parlement européen et il semblait avoir trouvé son espace à l'intérieur du Rassemblement national. Marine Le Pen l'avait envoyé aux États-Unis suivre la campagne de Donald Trump. Je pensais qu'il avait trouvé son espace et puis, patatras. Pour Damien Rieu, c'est beaucoup plus clair. Il s'agit d'un militant identitaire : il suffit de consulter son compte Twitter pour s'apercevoir que sa ligne politique est celle du bloc identitaire...
Qu'est-ce que ça vous inspire ?C'est une clarification salubre pour tout le monde. Va sans doute se former avec Reconquête ! (NDLR, le mouvement d'Éric Zemmour) le véritable parti des identitaires. Le bloc des identitaires avait adopté à un moment donné la forme d'un part politique. L'expérience n'avait pas été poursuivie, car l'espace n'existait pas au milieu des années 2010. Le bloc identitaire avait, lors de la présidentielle de 2012, présenté la candidature éphémère de l'un de ses cadres, qui n'avait pas réussi à récolter les parrainages et qui avait déclaré forfait assez tôt dans la campagne. Puis il a présenté quelques candidats aux élections législatives et locales dans la région de Nice, avec des scores qui n'étaient pas totalement marginaux avec 5 à 7 % dans l'intérieur des Alpes-Maritimes, mais rien qui ne puisse aboutir à une élection. Ils ont décidé sagement de retourner à la forme associative.
Là, on va avoir un parti qui va porter à peu près le même logiciel que le bloc identitaire, sous une forme différente, puisque ce sera, si j'ose dire, le parti des identitaires de 17 à 77 ans
Qu'est-ce que ça dit du Rassemblement national de Marine Le Pen ? Assiste-t-on à son effritement ?
Attention, on est sur trois ralliements, seulement. Et il est assez habituel dans l'histoire du Rassemblement national que des élus se perdent en cours de route. C'est le cas notamment des élus municipaux. Beaucoup se rendent compte en cours de route qu'ils ne sont pas fait pour cette boutique ou pour un mandat électoral tout court ; certains, par le passé, sont allés chez Dupont-Aignan ; aujourd'hui, il y en a qui vont chez Reconquête !. Il n'y a rien qui soit susceptible de faire basculer l'élection pour le moment. Jérôme Rivière a été élu au Parlement européen, car on est au scrutin de liste, mais il ne faut pas oublier que lorsqu'il s'était présenté à la députation à Nice, n'étant pas investi par LR, il avait été battu... C'est un de ces transfuges, comme Jean-Paul Garraud ou Thierry Mariani, qui avaient franchi le rubicond une fois que le suffrage électoral les avait désavoués. Quant à Damien Rieu, au RN, il doit y avoir un certain nombre de gens qui pensent que c'est une clarification, car il publiait régulièrement des contenus plus embarrassants qu'autre chose. Marine Le Pen va, comme elle l'a fait pour Guillaume Peltier, mettre les choses sur le compte de l'ambition personnelle et elle n'aura pas forcément tort. Pour Damien Rieu, ça m'étonnerait beaucoup qu'elle s'alarme.
Certains évoquent le temps des guerres fratricides...
On y est depuis le début. La candidature de Zemmour part d'une intuition qui est que Marine Le Pen a fait son temps, celle qu'elle se présente pour la troisième fois et que ses chances de l'emporter sont aussi minces que lors des fois précédentes. Eric Zemmour s'est dit : "C'est le moment d'enclencher une forme de parti un peu novatrice, assise sur ma notoriété d'essayiste et d'homme de télévision". À qui ça fait de la concurrence ? À la candidate de LR, car on a des enquêtes montrant qu'une partie des électeurs de François Fillon en 2017 est tentée par le vote Zemmour ; et ça fait aussi de la concurrence à Marie Le Pen.
Nicolas Faucon