Déjà cinq semaines que les discothèques françaises ont une nouvelle fois baissé le rideau. Alors que le gouvernement a annoncé un nouveau dispositif d’aides, certains établissements ayant moins d’un an n’y sont pas éligibles. Pour Jérôme Kipp, gérant du 209 à Ussel, c’est la double peine.
Sur la piste de danse sont encore présents les confettis de la dernière soirée. Celle du jeudi 9 décembre avant que le gouvernement décide de la fermeture de toutes les discothèques françaises à partir du lendemain. Dans l’établissement 209, géré par Jérôme Kipp à Ussel, le temps semble s’être arrêté. Encore une fois. « Ne faites pas attention, je n’ai pas encore fait le ménage, je n’avais vraiment plus la motivation. »
« C’est le début d’un parcours du combattant »Cette nouvelle fermeture prolongée jusqu’au 24 janvier (au moins) intervient comme un nouveau coup de massue pour tous les acteurs du monde de la nuit. Depuis le 13 mars 2020 jusqu’au 9 juillet 2021, ces établissements sont restés fermés durant 16 mois. Entre-temps, l’Ussellois de 46 ans décidait de reprendre la boîte de nuit Le 209 à Ussel. « C’était un pari osé, risqué, maîtrisé jusqu’à un certain point. »
Chef d’entreprise durant plusieurs années en Guyane, Jérôme Kipp a voulu croire en une amélioration de la situation sanitaire en reprenant cette entreprise pour laquelle il a investi 150.000 euros. Malgré l’optimisme qui le caractérise, la cinquième vague brutale de l’épidémie lui fera dire le contraire quelques semaines plus tard.
Faire la fête jusqu'au bout de la nuit dans la nouvelle discothèque Le 209, à Ussel
Le 6 janvier dernier, afin de soutenir les établissements impactés par ces mesures de restrictions sanitaires, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures de soutien financier. « Et c’est là qu’il faut bien lire les astérisques », s’exaspère Jérôme Kipp. En effet, toutes les entreprises créées après le 31 janvier 2021 ne peuvent prétendre à ces aides. « Là, c’est la deuxième sanction qui tombe, le début d’un parcours du combattant. »
La salle du 209 s'est figée le soir du jeudi 9 décembre 2021, dernière soirée depuis la fermeture.
Une minorité à ne pas toucher d’aidesPar ailleurs, le quarantenaire, nouveau propriétaire du 209 dans le centre-ville d’Ussel ne rentre pas non plus dans les cases pour prétendre au prêt garanti par l’Etat (PGE). Comme l’a fait le Syndicat National des Discothèques & Lieux de Loisirs (SNDLL) avant lui, Jérôme Kipp a dénoncé la « stigmatisation » d’un secteur. Une nouvelle fois, sur l’autel des restrictions, les patrons de boîtes de nuit sont les premiers sacrifiés, même s’ils s’y attendaient.
Ce n’était pas vraiment une surprise mais c’est vraiment désagréable.
Si le Corrézien dit comprendre la situation sanitaire compliquée, conscient qu’il faille prendre des mesures, il réfute le fait qu’une jeune entreprise comme la sienne ne puisse prétendre à quelconque aide. « Comment peut-on fermer tout un secteur et en aider qu’une partie ? » Cette forme d’injustice, Jérôme Kipp a du mal à la supporter.
Employant huit salariés et contraint de poursuivre le paiement des charges courantes sans aucune rentrée d’argent, il s’imagine mal tenir jusqu’à mars.
« Puis, sur les 1.600 établissements en France, on ne doit vraiment pas être beaucoup dans mon cas, à ne pouvoir toucher d’aides. Pour le gouvernement ça ne représenterait pas grand-chose. »
Réouverture et restrictions supplémentaires ?En tablant sur une réouverture prochaine au mois de février et sans toucher d’aides, plusieurs mois seraient déjà nécessaires au gérant ussellois pour retrouver un semblant de stabilité. « Sûrement six. Car sur décembre et janvier, c’est 100 % de perte de chiffre d’affaires pour l’instant. » Mais comme le SNDLL, Jérôme Kipp redoute que la réouverture des discothèques soumise au pass vaccinal, ne soit engourdie de contraintes supplémentaires comme la nécessité d’un test de dépistage en sus. « On risque une nouvelle fois de perdre des clients », s’inquiète le père de trois enfants.
Afin d’espérer voir l’horizon s’éclaircir et trouver des solutions, le syndicat représentant la profession a une réunion de travail prévue demain avec le ministère de l’Economie. « Moi j’avance dans le brouillard. » De l’optimisme à la résignation de Jérôme Kipp, cinq mois seulement sont passés. Maintenant, il faut ramasser les confettis du 9 décembre.
Texte : Vincent Faure
Photos : Agnès Gaudin