Savez-vous pourquoi le village Saint-Georges-d’Aurac-Gare s’appelle ainsi alors qu’il ne figure pas sur l’emprise de la commune de Saint-Georges-d’Aurac ? Et sachant que la limite communale se situe à environ trois kilomètres… La réponse est à rechercher dans les archives du PLM, la Compagnie des chemins de fer de Paris-Lyon-Méditerranée au moment de la construction des lignes Brioude - Alais (Alès) et Brioude - Le Puy. Et l’erreur ou la confusion en revient aux ingénieurs qui, de leur bureau, n’ont visiblement pas tenu compte des contours communaux. Ils se seraient référés au tracé initial (Brioude - Le Puy) qui implantait une gare à Saint-Georges-d’Aurac avant que ne soit actée la décision d’ouvrir la ligne des Cévennes.
En plein champPour des raisons économiques, la PLM change son fusil d’épaule et décide de faire un tronçon commun le plus long possible depuis Brioude. Le lieu de bifurcation entre les deux lignes s’est donc retrouvé « en plein champ, ou plus exactement en plein étang de Cerzat (récemment asséchés), loin de toute habitation, sur des terrains cédés par le propriétaire du domaine du Chassagnon », explique Germain Bonnet-Winckler, président de l’Episerm (association pour l’étude du patrimoine et de l’identité de Saint-Eble, Reilhac, Mazeyrat-d’Allier). C’est là, sur ce site retenu à la croisée des voies, que s’installe la gare de « Saint-Georges-d’Aurac-Gare ». Avec cette appellation, poursuit Germain Bonnet-Winckler (*), « tout le monde est perdant : Mazeyrat-Crispinhac (l’ancien nom de la commune de Mazeyrat-d’Allier avant la fusion avec Saint-Eble et Reilhac) perd l’avantage de notoriété que lui aurait conféré une gare et Saint-Georges-d’Aurac perd sa gare.
La gare de Saint-Georges-d’Aurac-Gare, que les habitants du secteur appelaient « gare du Chassagnon », prend son service le 10 décembre 1866. Au début, ses installations s’avèrent réduites. Avec l’achèvement de la ligne des Cévennes, le PLM décide le 17 mai 1872 d’engager des travaux d’agrandissement : pose de voies nouvelles, établissement de voies de services, installation d’un trottoir avec abri pour les voyageurs. Au fil des ans, autour de la gare, sur un site où « il n’existait aucune construction à l’exception de quelques maisonnettes ayant abrité les gardes d’étangs très poissonneux », de nouvelles habitations sortent de terre, dont des logements pour des familles de cheminots. Le hameau de Saint-Georges-d’Aurac-Gare prend forme à cheval sur trois communes : Mazeyrat-Crispinhac, Cerzat et Couteuges.
L'ancienne boite de nuit à cheval sur deux communesEt particularité, la limite entre Cerzat et Mazeyrat traverse une propriété, qui a accueilli un hôtel-restaurant avant de se transformer en boîte de nuit connue sous les enseignes : Le Macho, L’Aventure, La Loco ou encore le Sylverstar avant sa fermeture voilà une dizaine d’années. « On dansait à Mazeyrat et la musique se trouvait du côté de Cerzat », se souviennent Philippe Molherat, Jacky Delivert et Alain Besson, respectivement maire de Mazeyrat-d’Allier, Cerzat et Couteuges. Les trois communes sont appelées à prendre ensemble des décisions à l’image de l’assainissement. « Nous l’avons réalisé en commun en 2007 », expliquent les trois élus. La station, qui récupère les eaux usées du village du Buisson et de Saint-Georges-d’Aurac-Gare est installée à Bannat, sur la commune de Couteuges. Pour l’entretien, « on partage les frais au prorata ». Et le maire de Couteuges de lancer une invitation à ses deux collègues : « D’ailleurs, il faut que l’on aille voir la station. »Quand il s’agit de refaire une route communale en limite, « on fait moitié-moitié », indiquent-ils. Dans les prochaines semaines, ils vont devoir se pencher sur l’adressage, donner un nom aux rues, ce qui, selon eux, « ne sera pas compliqué car il n’y en a que deux en commun. » Et une quinzaine d’habitants alors que « dans les années glorieuses il y a eu jusqu’à 80 personnes à Saint-Georges-d’Aurac-Gare… » (*) Au terme de longues recherches, l’Episerm, sous la plume de Germain Bonnet-Winckler, a publié l’histoire de la ligne Le Puy - Saint-Georges-d’Aurac.
Une anecdote. Lors de ses recherches, Germain Bonnet-Wincler a relevé plusieurs anecdotes. En voici une. « En 1867, le marquis René de Bouillé, propriétaire du château du Cluzel à Saint-Eble, avait usé de son influence pour obtenir l’installation du télégraphe à la gare de Saint-Georges-d’Aurac-Gare. Compte tenu de son rang d’ambassadeur de France, le directeur général des Télécommunication avait immédiatement activé ses services et ceux du PLM. Il ne manquait plus que la signature du maire de la commune. Sauf que le directeur de l’exploitation du PLM dans son zèle a adressé le formulaire au maire de Saint-Georges d’Aurac au lieu de l’adresser à celui de Mazeyrat-Crispinhac. Le maire de Saint-Georges d’Aurac ignorant tout de la demande et surpris du courrier a répondu qu’il n’était pas au courant et qu’il ne voyait pas l’intérêt du télégraphe. D’où le courrier retour du directeur de l’exploitation au directeur général des Télécoms qui a redressé la situation, l’histoire ayant une fin heureuse. » Et d’ajouter : « Cela montre bien que pour le PLM la gare était toujours considérée comme implantée à Saint-Georges d’Aurac. »
Jean-Luc Chabaud