Sur l’écran central de la salle d’assises de la Haute-Vienne, un arrêt sur image : un petit garçon de 9 ans assis à une table à côté d’un gendarme qui prend des notes. C’était le 8 juin 2013.
Ce jeudi 16 décembre, le même garçon, plus de huit ans plus tard, se tient à la barre de la cour, face à sa propre image. Il vient de réécouter cette audition pendant laquelle il a livré avec constance, calme, avec des mots d’enfants mais précis ce que son père selon lui, lui a fait subir quand il avait 4, puis 6, puis 7 ans.
De sa petite voix de crécelle, l’enfant sur la vidéo raconte. « J’étais chez Mamie, papa est venu me chercher dans mon berceau pour me mettre dans le lit et il a mis sa quéquette dans mon cucul ».
Le petit garçon raconte encore le pyjama bleu, le scotch gris-marron que son père lui aurait mis sur la bouche, le sexe « dur et poilu ». Cela fait huit ans et ce garçon devenu jeune majeur réitère ses accusations.
« Papa, pourquoi t’as fait ça ? »Le président de la cour veut provoquer une réaction de la part de l’accusé qui depuis le début de son procès en appel mercredi, n'a murmuré que la même phrase : « je suis innocent ». Qu’a-t-il à dire après le visionnage de cet enregistrement?? Après les déclarations de son fils aujourd’hui?? « Je n’ai pas fait ce qu’il dit », susurre-t-il.
Devant le manque d’implication de l’accusé, qui pourtant est à l’origine de ce procès en appel après avoir été condamné à 17 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de la Corrèze en février dernier, le président tente la confrontation directe.
« Vous avez certainement des choses à demander à votre père?? » Le regard du jeune homme se tourne lentement vers le box des accusés : « Papa, pourquoi t’as fait ça?? » Réponse atone : « Je n’ai pas fait ça ».
Deuxième audition filmée, celle de la seconde victime, la fille de l’accusé, âgée de 23 ans. Elle, dénonce une masturbation commise sur son dos et son entre-jambe quand elle avait 4 ans et d’autres atteintes sexuelles vers ses 10 ans.
« J’essaie d’effacer tout ça, je veux avancer »Encore une fois à la barre, elle doit dire, raconter, livrer les détails de ses souvenirs qui reviennent comme des « flashs ». Elle n’en peut plus de devoir revenir encore et encore sur ces faits. « J’essaie d’effacer tout ça, je veux avancer, je ne veux plus en parler », affirme la jeune femme.
« Qu’attendez-vous de lui?? », lui demande le Président en montrant son père, l’accusé. « Je n’espère plus rien. Je ne sais pas ce que lui, il attend de ce procès. Nous, on est là, on déballe tout?! Et lui, il dit juste “je n’ai rien fait”?? » Et s’adressant à son géniteur : « Je n’ai plus peur de parler, d’accord?? Pourquoi on dirait tout ça si c’était faux?? Pourquoi on est là alors qu’on pourrait être ailleurs?? » Réponse : « je suis innocent ».
Les avocates des parties civiles tentent à leur tour de provoquer une réaction, un sursaut de spontanéité : « Cela vous fait quoi de voir aujourd’hui toute la détresse de vos enfants?? » Après un temps de réflexion : « Je n’ai pas touché à mes enfants. Cela me fait plaisir de les voir. Je ne leur en veux pas ».
Selon lui, ses enfants ont été manipulés par leur mère, après une séparation très conflictuelle en 2004, survenue suite aux révélations de la nièce de l’accusé qui a révélé avoir été abusé sexuellement par son oncle depuis ses 4 ans...
L’accusé risque 20 ans de prison. Verdict ce vendredi 17 décembre.
Coralie Zarb