Jouons à qui perd gagne, et acceptons les bonnes réformes, notamment fiscales, qui nous mettent à… contribution.
Côté éco. Une chronique d'Étienne de Callataÿ de l'Université de Namur ( etienne.decallatay@orcadia.eu)
Le paradoxe est frappant, entre les attentes de réformes dans la conduite des pouvoirs publics et les mesures adoptées par les gouvernants. La politique environnementale illustre malheureusement ce fossé, avec un "trop peu, trop tard" affligeant tant en termes d’éthique que de rationalité économique. La gouvernance publique, la lutte contre la pauvreté, la promotion de la santé, le logement ou les retraites sont d’autres domaines majeurs où une action déterminée serait souhaitable - et une action déterminée est possible, le radicalisme de la décision du confinement l’a montré - mais où les réalisations ne suivent pas.
Avec le Pacte d’excellence, un espoir de réforme en profondeur de l’enseignement, priorité des priorités pour la Belgique francophone, est permis. Le constat est connu : notre système éducatif doit être rendu moins scandaleux sur le plan de l’équité et moins médiocre en matière d’efficacité. Et ce n’est pas une question de budget : nous ne dépensons pas moins pour l’enseignement obligatoire que les pays qui atteignent de bien meilleurs résultats. L’ambition a été affichée, une méthodologie mise au point et le cap maintenu malgré les changements de ministre et de majorité. Croisons les doigts !
En revanche, du côté du marché du travail, on ne perçoit pas vraiment de signaux de réforme. Un dispositif malfaisant, la loi sur la sauvegarde de la compétitivité, a été conçu en 1996 pour préserver l’indexation automatique des salaires, alors que nos principaux partenaires commerciaux avaient renoncé à cette dernière, comme si une erreur pouvait en rattraper une autre. Il conviendrait de réformer ce jeu "perdant-perdant", comme le qualifie Didier Paquot (ex-UWE, Institut Destrée) dans la dernière livraison de ses excellentes chroniques hebdomadaires. Malheureusement, souhaitable est loin de toujours rimer avec probable.
Partant d’une feuille blanche, aucun consensus ne se dégagerait jamais pour concevoir la fiscalité fédérale comme elle existe aujourd’hui. Il y a donc un fameux espace pour rendre nos Codes des impôts plus durables, plus justes et plus efficaces. La déclaration gouvernementale fédérale est prometteuse en annonçant une diminution de l’impôt sur les revenus moyens compensée par un traitement fiscal moins avantageux de certains revenus et de certaines dépenses. Cette neutralité budgétaire est une exigence intellectuelle qui honore ce gouvernement et tranche avec la démagogie des baisses d’impôt non financées du précédent.
Abaisser le taux, élargir la base et harmoniser l'impôt est un impératif aussi bien social qu'économique pour notre pays. Ce n'est pas un taux de taxation maximum de 50 % qui est choquant, mais que 1 € supplémentaire du revenu de travail soit taxé à 40 % dès que le revenu imposable dépasse 13 440 € par an, un montant pourtant inférieur au seuil de pauvreté, et cela sans parler des cotisations sociales et des additionnels communaux. Quel contraste avec la manière beaucoup plus légère de taxer les autres revenus, qu'il s'agisse de loyers, de plus-values, de droits d'auteurs ou de ceux tirés des sociétés unipersonnelles. Il est donc logique que ces domaines constituent des pistes pour assurer la nécessaire compensation budgétaire (voir La Libre, 27 novembre 2021), des pistes qui, au regard de la fiscalité des pays auxquels nous apprécierions d'être comparés, Allemagne en tête, n'ont rien de choquant. Et, contrairement à une idée communément véhiculée, la littérature académique ne montre pas que cela nuirait à l'entrepreneuriat ou à l'investissement (voir étude du FMI en 2019 ou Gechert&Heimberger en 2021).
Que celles et ceux qui bénéficient aujourd’hui des voies peu taxées fassent savoir qu’ils souhaitent un impôt plus égal. C’est mon cas.