Comment s’y retrouver devant tant de promesses alignées à longueur d’étiquettes ? Quels produits privilégier ? L’Italienne Beatrice Mautino, chroniqueuse formée à la biotechnologie et aux neurosciences, nous aide à y voir un peu plus clair, dans « Poudre aux yeux : la face cachée des cosmétiques » (Eyrolles).
Quels sont les ingrédients sur l’étiquette qui doivent faire impérativement fuir ? Aucun ! En matière de sécurité des cosmétiques, l’Union européenne a une politique extrêmement sévère, la plus sévère au plan mondial. Si un ingrédient a été autorisé, cela signifie qu’il a été évalué comme sûr, nous n’avons donc pas par conséquent à chercher quels sont les ingrédients à éviter. L’unique exception à cette règle concerne les personnes allergiques à certains ingrédients : dans ce cas il est très important de lire l’étiquette pour éviter des accidents désagréables.
« Sans parabène », ce n’est pas une garantie de sûreté sanitaire ?
La sécurité comme je le disais est garantie par tous les pays de l’Union européenne. Les parabènes sont des conservateurs et ont une fonction précieuse car ils protègent les cosmétiques de l’invasion de champignons et de bactéries. Par conséquent ils protègent aussi notre santé. Un produit « sans parabènes » devra présenter un autre système de conservateurs qui auront la même fonction.
Acheter en parapharmacie, c’est plus sûr ?
De nombreuses personnes le pensent, le marketing pratiqué par les entreprises table beaucoup là-dessus. Cependant, les règles de sécurité sont les mêmes pour tous les cosmétiques et tous les canaux de vente. Un cosmétique vendu en pharmacie obéit aux mêmes règles qu’un cosmétique vendu en grande surface.
Traitement des rides ou des taches, protection solaire, anti-cellulite… Comment contrer les messages mensongers ?
Il est important d’apprendre à poser un regard critique sur les cosmétiques. Chaque fois que nous nous trouvons face à une promesse publicitaire, nous devons nous demander si cet effet a été mesuré, et dans quelles conditions.
Des tests ont-ils été effectués ? Sur combien de personnes ? De quel type ? En ayant toujours à l’esprit qu’un cosmétique ne peut accomplir des miracles…Beatrice Mautino. Auteure. Photo Fabrizio Balestrieri
Il peut améliorer notre aspect, nous permettre de nous sentir mieux, nous aider à prendre soin de nous, mais il ne peut ni modifier de façon durable notre corps, ni nous faire rajeunir.
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Acheter bio, c’est mieux ?
En Europe, il n’existe pas de définition officielle du « bio » concernant les cosmétiques, comme il en existe une pour les aliments. Chacun peut donc interpréter ce mot à sa façon. Certaines entreprises choisissent une certification précise, d’autres préfèrent élaborer leur propre définition à travers la publicité, d’autres enfin suivent la mode et éliminent les ingrédients considérés comme les plus problématiques par l’opinion publique. Acheter « bio » signifie acheter des produits très différents les uns des autres qui ont seulement en commun le public cible de consommateurs et consommatrices, attentifs à l’environnement et préoccupés par tout ce qu’ils identifient comme « chimique ».
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Payer plus cher, est-ce l’assurance d’obtenir un bon produit ?
Le prix des cosmétiques résulte de dynamiques de marché, non de la qualité des matières premières ou de leur sécurité. Dans mon livre, j’ai interviewé un producteur sous-traitant de mascara, un des plus grands producteurs au monde, produisant pour les marques internationales françaises, italiennes, américaines, etc. Il m’a raconté que la différence de prix de production entre un mascara de luxe et un mascara bon marché se chiffre à quelques centimes l’exemplaire.
Ce qui influe sur le prix final, ce ne sont pas les matières premières ou la compétence du producteur, mais le choix d’un contenant de luxe ou un investissement publicitaire important, outre les attentes du consommateur.
Quand on s’intéresse scientifiquement aux cosmétiques, on perd le rêve ?
Selon moi, non. Plus exactement, on perd un peu du rêve que la publicité déploie pour nous séduire, mais on en découvre un autre, bien plus captivant, au cœur duquel on trouve de grands inventeurs, des découvertes scientifiques ayant traversé les siècles et changé nos vies, des intuitions géniales… Par-dessus tout, cela nous permet de faire des choix plus conscients. J’ai appris à identifier de nombreuses stratégies mises en œuvre par le marketing, mais pour autant je n’ai pas perdu le plaisir d’utiliser des cosmétiques. L’important est de le faire en toute connaissance et en toute liberté.
Propos recueillis par Florence Chédotal
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