Barbara Lee, élue afro-américaine de Californie âgée de 75 ans, a raconté devant une commission du Congrès comment elle s'est retrouvée enceinte à l'âge de 16 ans, sans trop comprendre ce qui lui arrivait.
"J'allais à une école catholique et bien sûr, il n'y avait pas d'éducation sexuelle", a-t-elle rappelé.
Elle s'est donc fait avorter dans une "clinique clandestine" au Mexique, avec le soutien de sa mère. "Elle ne m'a jamais ordonné de le faire ou m'a forcé, mais elle comprenait que c'était ma décision".
Elle a souligné avoir "eu de la chance", rappelant que dans les années 1960 les avortements réalisés clandestinement et dans des conditions sanitaires précaires étaient la première cause de décès des femmes afro-américaines.
"Les gens méritent le droit de prendre leurs propres décisions sur leurs vies, leurs corps et leur avenir", a-t-elle affirmé devant les élus.
Les Américaines ont un droit constitutionnel à avorter depuis l'arrêt historique de la Cour suprême Roe v. Wade en 1973, mais les militants anti-avortement n'ont eu de cesse de faire limiter son champ d'application.
"Honteuse"
Depuis le 1er septembre, une loi du Texas interdit d'avorter une fois que les battements de coeur de l'embryon sont détectables, soit à environ six semaines de grossesse quand la plupart des femmes ignorent encore être enceinte.
Cette loi fait partie d'une "stratégie nationale coordonnée pour éliminer l'accès à l'avortement et fournir une occasion de casser ou limiter l'arrêt Roe v. Wade", a dénoncé l'élue démocrate Judy Chu, membre de la commission.
Selon l'institut Guttmacher, qui défend ce droit, 862.000 avortements ont été réalisés en 2017, une baisse de 19% par rapport à 2011.
La parlementaire afro-américaine du Missouri, Cori Bush, 45 ans a pour sa part raconté comment elle s'était sentie "perturbée, gênée et honteuse" quand un jeune homme de 20 ans avait abusé d'elle à l'été 1994 quand elle avait 17 ans.
Après avoir réalisé qu'elle était enceinte de neuf semaines, "j'étais brisée, je me sentais si seule, je me blâmais pour ce qui m'était arrivé, mais je savais que j'avais d'autres options", a-t-elle dit, des sanglots dans la voix.
Elle a rappelé "les douleurs, les saignements, les nausées" et la sensation "d'avoir quelque chose en moins" après avoir pris "la décision la plus difficile que j'ai jamais prise".
Pramila Jayapal avait elle déjà brisé le tabou en 2019, après s'être tue pendant des années pour ne pas heurter ses parents, des immigrés indiens.
A 56 ans, elle a raconté à nouveau sa dépression et ses pensées suicidaires après la naissance de sa fille grande prématurée, qui n'était pas censé survivre.
Malgré l'utilisation de moyens contraceptifs, elle est tombée à nouveau enceinte avec la perspective d'une autre grossesse à risque. "Je désirais vraiment d'autres enfants, mais je ne pouvais simplement pas m'imaginer revivre ça", a-t-elle dit.
"Les choix que nous faisons concernant notre corps ne sont pas vos affaires", a-t-elle souligné en dénonçant des lois votées par des assemblées majoritairement masculines.
Certaines vedettes comme Uma Thurman, Madonna, Nicki Minaj ou Whoopi Goldberg ont osé briser le tabou, mais il est encore très rare de parler de son avortement aux Etats-Unis, un pays encore ancré dans la religion.
Près de 40% de la population pense toujours que l'IVG devrait être illégale dans la plupart des cas, selon l'institut Pew.
"Qu'importe si une grossesse est désirée ou non, même si elle résulte de circonstances horribles, mettre fin à la vie d'un enfant par l'avortement pour protéger la +liberté+ d'une mère n'est pas la réponse", a affirmé l'élue républicaine Virginia Foxx, appelant à combattre "ce péché national".
Le démocrate Gerry Connolly a lui souligné "l'ironie" de cette loi texane, votée dans un Etat qui refuse le port du masque obligatoire contre le Covid-19 au nom des libertés individuelles, et qui impose aux femmes "l'une des législations les plus restrictives sur l'autonomie la plus sacrée, le contrôle de son propre corps".