« C’est loin mais c’est beau »… mais pas seulement. Les terres de confins sont aussi celles des grandes rencontres. Cette année en particulier, La Chaise-Dieu a su attirer le meilleur d’Auvergne et de Rhône- Alpes. Une fusion musicale réussie, qui permet au festival de rayonner bien au-delà des frontières de la grande région. Exemple parfait, mercredi 25 août en l’abbatiale, avec le concert réunissant l’Ensemble orchestral contemporain à l’ancrage stéphanois, l’Orchestre national d’Auvergne et le pianiste lyonnais François Dumont. Roberto Forés Veses à la tête de tout ce petit monde a largement dépassé le stade de la simple expression d’une entente cordiale, quasi diplomatique.
Il y a de la joieCar le chef espagnol (et définitivement attaché à l’Auvergne), est toujours très sérieux au moment de faire la fête. Avec sa facilité à combiner nervosité et majesté, il s’est employé à faire entendre quelques pépites bien dissimulées dans la partition virtuose du Concerto en sol de Ravel. Une réelle interprétation orchestrale qui offrait tout de même à François Dumont, le cadre propice pour dévoiler sans fausse pudeur, toute sa sensibilité : le second mouvement à la clarté mozartienne est taillé pour son jeu délicat et sa quête de couleurs. Le public a profité d’un programme néo-classique : Dumbarton Oaks Concerto et Pulcinella (endiablé) de Stravinsky encadraient le concerto de Ravel et la Symphonien°1 de Prokoviev. De la lumière, des timbres riches et par-dessus de la joie, rien que de la joie mais sans débordement. Pour un moment léger comme il en faut dans un festival ; précédant un moment plus intense comme il en faut aussi dans un festival...
Un nouveau BachLa violoncelliste Emmanuelle Bertrand est originaire de Haute-Loire et sa renommée est internationale. Arrivée à pleine maturité, la musicienne a eu (ce qu’il convient d’appeler) le courage d’opérer une véritable réorientation en s’octroyant les services d’un violoncelle baroque. De quoi renouveler son inspiration dans les Suites pour violoncelle seul de Bach. Elle en a offert trois (n°4, 1 et 5), jeudi 26 août à l’auditorium Cziffra. Dans un parfait équilibre de respect et de distance vis-à-vis de la partition, elle a fait vivre cette musique en insistant sur la polyphonie, en étirant les lignes et étoffant le son. L’affect est maîtrisé, Emmanuelle Bertand ayant l’intelligence de ne pas laisser son talent faire d’ombre au chef-d’œuvre.
Une évocation de l'exposition Nicolas de StaëlLa musique de Bach s’impose d’elle-même. Contrairement à la musique contemporaine pourtant essentielle pour la compréhension de notre monde. Le festival de La Chaise-Dieu insiste donc sur ce point, toujours avec l’Ensemble orchestral contemporain et encore dans le souci d’unir les forces culturelles de regions aujourd’hui unies. Jeudi 26 août au soir, à la Halle aux grains de Brioude (Haute-Loire), l’ensemble dirigé par Bruno Mantovani a offert une réponse musicale à l’exposition présentée au Doyenné, à quelques mètres de là, et consacré à Nicolas de Staël (jusqu’au 10 octobre). Le dialogue entre musique instrumentale et musique électronique instauré dans la B-Partita à la modernité contenue signé Philippe Manoury, a permis de préparer sereinement l’écoute de Staël, peindre l’inaccessible de la compositrice lyonnaise Edith Canat de Chizy. Il n’y a rien de mieux que ces interprètes absolument convaincus par leur art, pour ouvrir les portes à une méditation sur des citations du peintre. Cette musique est un équilibre entre doutes et certitudes, l’expression permanente de l’évasion. Son pouvoir d’évocation est impressionnant et enrichit véritablement le plaisir, le questionnement ou la compréhension des œuvres de Nicolas de Staël.
PRATIQUE. Le festival continue jusqu'au 29 août. Plus sur www.chaise-dieu.com
Pierre-Olivier Febvret