Cible privilégiée des Occidentaux depuis sa réélection l'an dernier – les Etats-Unis et l'Union européenne refusant d'en reconnaître le résultat – le président biélorusse Alexandre Loukachenko a donné une longue conférence de presse ce 9 août, posant les bases de changements institutionnels dans le pays.
Le chef d'Etat a ainsi annoncé la tenue dans un avenir proche d'un référendum «libre, ouvert et démocratique» sur la Constitution. Le dirigeant a assuré que Minsk allait organiser ce référendum constitutionnel «ouvertement et honnêtement pour élaborer la Constitution au niveau d'un projet présidentiel, qui sera rendu public pour un débat à l'échelle nationale».
Commentant l'initiative de s'engager à rédiger une disposition de la nouvelle Constitution sur la supériorité de la législation nationale sur les lois internationales, Alexandre Loukachenko a déclaré qu'il fallait toujours «peser ce que le pays peut en retirer et ce qu'il peut perdre». Le chef d'Etat a également affirmé que les autorités biélorusses feraient «tout démocratiquement, comme cela devrait être fait en Occident mais ne se fait jamais».
Le modèle constitutionnel dont le dirigeant compte s'inspirer serait celui de la Fédération de Russie, selon ses déclarations. Cette réforme intervient alors que des manifestations populaires ont secoué le pays à la suite de l'élection présidentielle du 9 août 2020. Le 16 mars 2021, il a signé un décret portant création d'une commission constitutionnelle de 36 membres dirigée par le président de la Cour constitutionnelle Piotr Miklashevich.
Ce n'est cependant pas la seule déclaration importante au sujet de l'avenir institutionnel de la Biélorussie qu'a faite Alexandre Loukachenko. Ce dernier a également soulevé la question de sa propre succession, arguant qu'il pourrait «très bientôt» être remplacé par une autre personne dans le bureau présidentiel, toujours selon l'agence TASS. Le dirigeant est par ailleurs revenu sur sa longévité au pouvoir en avançant qu'il était «enraciné dans ce pays» et qu'il n'arrivait pas à s'imaginer à la retraite. Il a ajouté qu'il ne se présenterait pas à la présidence à la prochaine élection et ne soutiendrait aucun autre candidat non plus.
Ces déclarations interviennent dans un contexte de nouvelles sanctions occidentales, qui s'ajoutent à celles qui pèsent toujours sur Minsk, et sur lesquelles Alexandre Loukachenko est revenu. «Des sanctions ? Vous êtes libre de les imposer. Attendons de voir où cela nous mène si vous ne voyez pas la raison. Il faut se calmer, réfléchir et penser à comment se sortir de cette situation», a déclaré le chef d'Etat. Il a par ailleurs invité les pays concernés à une table ronde, tout en les mettant en garde contre toute provocation.
«Vous [les nations occidentales] cherchez à déclencher une Troisième Guerre mondiale. Voulez-vous nous y pousser ainsi que les Russes ? Voulez-vous gagner cette guerre ? Il n'y aura pas de gagnants et même s'il y en a, ce ne sera pas le cas», a-t-il lancé, selon l'agence TASS.
Concomitamment à l'intervention du président biélorusse, les Etats-Unis ont en effet dévoilé ce 9 août une nouvelle série de sanctions contre des personnalités, entreprises et entités biélorusses, a fait savoir à l'AFP un haut responsable de la Maison Blanche. Joe Biden va à ce titre signer un décret qui durcit le régime de sanctions étasuniennes en vigueur depuis 2006, en l'élargissant à plusieurs secteurs clefs de l'économie de ce pays. Le Comité national olympique de Biélorussie, épinglé par l'affaire de Krystsina Tsimanouskaya, serait ainsi visé. Avec lui, d'autres secteurs comme l'entreprise publique Balruskali OAO, l'un des plus gros producteurs d'engrais à base de potasse du monde ou encore des «responsables économiques de premier plan soutenant le régime», seraient dans le collimateur des sanctions promulguées par Joe Biden le 9 août.
Londres a également pris dans la foulée de nouvelles sanctions, invoquant «l'atteinte continue à la démocratie et les violations des droits de l'homme», d'après l'agence TASS. Les sanctions britanniques visent «la potasse, les produits pétroliers, l'interception et la surveillance des biens et technologies, des biens utilisés dans la fabrication de cigarettes et des biens et technologies à double usage», selon un document cité par l'agence de presse russe.
«Ces sanctions démontrent que le Royaume-Uni n'acceptera pas les actions de Loukachenko depuis les élections frauduleuses. Les produits des industries d'Etat de Loukachenko ne seront pas vendus au Royaume-Uni et nos sociétés aérospatiales ne toucheront pas à sa flotte d'avions de luxe», a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, Dominic Raab.
L'opposante Svetlana Tikhanovskaïa, qui avait milité pour la mise en place de nouvelles sanctions internationales contre Minsk lors de visites aux Etats-Unis et au Royaume-Uni la semaine dernière, s'est déclarée «heureuse» de la décision de Londres et Washington. «De telles nouvelles, surtout à cette date-là, témoignent de la position intransigeante et coordonnée du monde démocratique par rapport à la crise en Biélorussie. Et la condition principale pour lever les sanctions est la libération de tous ceux qui sont prisonniers pour des motifs politiques et de nouvelles élections libres en Biélorussie», a-t-elle déclaré, soulignant que ces sanctions étaient «un instrument de pression externe», et que les «leviers de pression interne» étaient «à la disposition de chaque Biélorusse».
Une position défendue ouvertement par l'Union européenne, dont le principal parti au parlement, le PPE, s'est déclaré convaincu que «la victoire du peuple biélorusse [était] inévitable». «L'Union européenne doit se préparer à la victoire de la révolution démocratique», a déclaré le leader du PPE Manfred Weber, insistant sur la nécessité pour l'UE de deviser un «plan complet pour soutenir l'adoption de réformes démocratiques à tous les niveaux de gouvernement, national, régional et local, qui doivent aller de pair avec de profondes réformes économiques».
Depuis plus d'un an, le président biélorusse Alexandre Loukachenko dénonce le rôle exercé, selon lui, par des acteurs étrangers concernant les manifestations dans son pays. L'annonce de la réélection d'Alexandre Loukachenko le 9 août 2020 avait déclenché des manifestations dans toutes les grandes villes du pays; la police réagissant en procédant à des milliers d'arrestations.