Un prévenu qui veut à tout prix retourner en détention pour échapper, ne serait-ce que quelques mois, au monde extérieur : c'est la situation aussi inhabituelle que dérangeante face à laquelle se sont retrouvés magistrats du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et avocate de la défense, ce vendredi...
Le mercredi 7 juillet, un jeune homme originaire de Marseille, arrivé par hasard à Clermont-Ferrand, le dimanche 27 juin, au volant d’une voiture volée à Gap, a composé le 17 pour que les policiers viennent l’interpeller…
Âgé de 23 ans, il a attendu l’arrivée de la police à bord de la Ford Fiesta dérobée quinze jours plus tôt dans les Hautes-Alpes et qu’il avait stationnée dans un parking couvert du CHU Gabriel-Montpied. Avant de suivre les fonctionnaires jusqu’au commissariat central, il a même pris le soin de rédiger une brève lettre d’excuses à destination du légitime propriétaire de la voiture…
« En prison, j'ai appris à lire, à écrire... »Jugé ce vendredi en comparution immédiate, ce prévenu en totale errance a expliqué très posément aux magistrats du tribunal correctionnel n’avoir qu’un objectif depuis sa sortie de la maison d’arrêt de Luynes, à Aix-en-Provence, le 24 avril : retourner en détention le plus vite possible !
« En prison, j’ai appris à lire, à écrire. J’y suis encadré, soutenu. Quand je suis dehors, c’est très compliqué… Je peux vite devenir un danger pour moi ou pour les autres. La détention, même si je n’y suis jamais allé de gaieté de cœur, c’est comme un repère, pour moi… ». Expliquant ne pas avoir le moindre point de chute, ni la moindre attache « à l’extérieur », le jeune homme, condamné à dix-sept reprises depuis l’âge de 13 ans, a reconnu très lucidement que « la prison ne peut pas être un lieu d’hébergement ».
« La prison, ce ne sera jamais la vie normale, ni une fin en soi ».
« Il est très rare de rencontrer quelqu’un qui demande à la justice de le renvoyer derrière les barreaux », a résumé le procureur de la République, Hervé Lhomme. Il a requis six mois de prison, dont trois assortis d’un sursis probatoire pendant trois ans, ainsi que l’obligation d’effectuer 205 heures de travail d’intérêt général.
« Pour ce jeune homme, à l'extérieur, c'est la solitude totale. Sa démarche consistant à vouloir absolument être incarcéré est à la fois désespérée et très réfléchie. Cette affaire est d'une infinie tristesse... ».
En défense, Me Peggy-Anne Julien a avoué avoir « rarement vu une telle situation, d’une telle tristesse ». « Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’intérêt de ce jeune homme passe pour le moment par la prison », a-t-elle constaté, tout en plaidant pour « une peine mixte, mêlant sursis et partie ferme ».
Son client a été condamné à huit mois de prison, dont deux assortis d’un sursis probatoire pendant trois ans, avec obligation de soins et de travailler. Il a été incarcéré dans la foulée. Comme il le souhaitait...
Christian Lefèvre