La Russie a annoncé lundi l'ouverture d'une enquête contre Google et sa plateforme de vidéos YouTube pour "abus de position dominante", dernier exemple du bras de fer entre les autorités russes et les géants du numérique.
Ces dernières semaines, Moscou a multiplié les sanctions à l'égard des américains Twitter, Facebook et YouTube, mais aussi envers le chinois TikTok, dénonçant leur toute-puissance et critiquant leur choix de publier (ou pas) certains contenus, notamment politiques.
Dans ce contexte, l'Agence fédérale anti-monopole (FAS) a dit avoir ouvert cette nouvelle enquête contre Google car "les règles de création, de suspension et de blocage de comptes YouTube et des requêtes des utilisateurs sont opaques, non-objectives et imprévisibles".
"Cela conduit à des blocages soudains et à la suppression de comptes d'utilisateurs sans avertissement, ni fondement à de telles actions", a poursuivi le régulateur russe dans un communiqué, ajoutant que ces mesures peuvent "nuire aux intérêts des utilisateurs et limiter la concurrence".
Cette enquête fait suite au signalement d'une organisation russe méconnue, le Centre régional des technologies internet (Rotsit), qui se présente comme un groupe défendant "les intérêts des internautes" russes.
"Le fait que la publication et la diffusion de contenus vidéo en Russie puissent être régulées par la législation d'autres pays n'est pas correct", avait dénoncé l'organisation en décembre, en annonçant ce signalement.
Selon cet organisme, les actuelles conditions d'utilisation de Google permettent de "restreindre arbitrairement n'importe quel compte" et les motifs de blocage ou de suspension sont "soumis à l'appréciation quasi illimitée de YouTube".
- Tour de vis -
Dans un pays où, contrairement aux médias traditionnels, internet reste relativement libre, de nombreux Russes s'informent de plus en plus sur des plateformes comme YouTube. Les enquêtes de l'opposant Alexeï Navalny y comportent des dizaines de millions de vues.
Lundi, la porte-parole du militant emprisonné a dit avoir reçu un message de Youtube l'informant d'une demande du gendarme russe des télécoms, Roskomnadzor.
Ce dernier, selon Youtube, a demandé la suppression d'une récente vidéo sur le compte de l'opposant appelant à manifester mercredi pour dénoncer les conditions de son emprisonnement à la dégradation de son état de santé.
En parallèle, les autorités russes se sont irritées récemment de restrictions pour le visionnage de films pro-Kremlin diffusés sur YouTube.
Roskomnadzor a ainsi accusé la plateforme de censure après des mises en garde sur de potentiels contenus inappropriés concernant deux documentaires, un sur la prise d'otage de Beslan en 2004, l'autre sur une bataille de la Seconde guerre mondiale.
Fin janvier, le président Vladimir Poutine avait jugé que les géants de l'internet étaient "déjà en concurrence de facto avec les Etats", évoquant leurs "tentatives de contrôler brutalement la société".
En réaction, les autorités n'ont cessé de serrer la vis au nom de la lutte contre l'extrémisme et de la protection des mineurs. Des concepts fourre-tout selon les détracteurs du Kremlin, qui y voient des tentatives de censure.
La Russie bloque déjà avec un succès variable des sites d'opposition ou ayant refusé de coopérer avec les autorités, comme le réseau professionnel LinkedIn, détenu par Microsoft, accusé de refuser de stocker ses données en Russie.
Twitter, Facebook ou encore Google reçoivent quant à eux régulièrement des amendes dont les montants, quelques dizaines de milliers d'euros, restent dérisoires face à leurs bénéfices.
Les autorités russes s'en étaient également pris en 2018, sans succès, à la populaire messagerie cryptée Telegram pour son refus de fournir aux services de sécurité les moyens de lire les messages de ses utilisateurs.