La cour d'assises des mineurs de Paris a condamné en appel dans la nuit du 17 au 18 avril cinq jeunes à des peines allant de 6 à 18 ans de réclusion pour la violente agression de policiers à Viry-Châtillon (Essonne) en 2016, et en a acquitté huit autres, provoquant la colère des avocats des victimes.
La lecture du verdict a été interrompue par une bagarre générale dans le box des accusés, qui a nécessité l'intervention d'une trentaine de policiers et gendarmes. Les heurts se sont ensuite étendus dans la salle d'audience, où étaient présentes les familles des accusés. Le calme est revenu au bout d'une dizaine de minutes.
«Nous venons d'assister à un naufrage judiciaire [...] Alors que l'on sait qu'il y avait 16 assaillants, on se retrouve avec cinq condamnations», a dénoncé Me Thibault de Montbrial, avocat de l'une des victimes, «effondrée», selon lui, par ce verdict en appel. «C'est un naufrage car au moment du verdict, le naturel a repris le dessus, une bagarre générale a éclaté, des accusés se sont pris à partie», a-t-il ajouté, expliquant n'avoir «jamais vu ça en 25 ans de cour d'assises».
Après 14 heures de délibération et six semaines d'audience à huis clos, les cinq condamnés ont été reconnus coupables de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique. Trois d'entre eux ont été condamnés à 18 ans de prison, un à 8 ans de prison et le dernier à 6 ans. Ils encouraient la réclusion criminelle à perpétuité. Les huit autres accusés ont été acquittés.
Au contraire des parties civiles, l'une des avocates de la défense, Me Mauger-Poliak, a salué «un soulagement pour la défense», et un «démenti total de l'enquête». «C'est la fin du cauchemar judiciaire pour mon client», qui avait déjà été acquitté en première instance, a pour sa part déclaré l'avocat Arnaud Simonard.
En première instance, huit de ces jeunes avaient été reconnus coupables et condamnés à des peines allant de 10 à 20 ans de prison. Cinq autres avaient été acquittés. Le parquet général de Paris avait fait appel du verdict alors que les avocats des parties civiles avaient dénoncé des peines «qui ne tiraient pas les conclusions» de la «gravité du crime» commis. La cour n'a pas suivi les réquisitions de l'avocat général qui avait demandé le 13 avril un acquittement et des peines de 12 à 25 ans de réclusion criminelle pour les 12 autres accusés, âgés aujourd'hui de 21 à 26 ans.
Les 13 jeunes, âgés de 16 à 21 ans au moment des faits, étaient accusés d'avoir fait partie de la vingtaine de personnes encagoulées qui, le 8 octobre 2016, avaient pris d'assaut en pleine journée deux voitures de police stationnées à proximité du quartier de la Grande Borne, une vaste cité d'habitat social considérée comme l'une des plus sensibles d'Île-de-France.
En quelques secondes, ils avaient brisé les vitres et jeté des cocktails Molotov dans les habitacles. Dans une première voiture, un adjoint de sécurité de 28 ans et une gardienne de la paix de 39 ans avaient pris feu.
J'ai des enfants, aidez-moi
Le pronostic vital de l'adjoint avait été un temps engagé et il avait été plongé dans le coma pendant plusieurs semaines. Plus de quatre ans après les faits, il porte encore les marques de l'agression sur son visage. «Ces policiers qui étaient dans les voitures, on leur crache à la figure après les avoir brûlés une première fois», a dénoncé le 18 avril à la sortie de l'audience Laurent Franck Lienard, avocat de deux des policiers.
Sa collègue avait été touchée par des pierres une fois sortie de la voiture transformée en torche, alors qu'elle avait le haut du corps en flammes. «J'ai des enfants, aidez-moi», l'avait entendu dire un de ses agresseurs présumés, qui avait confié plus tard à une amie que ça lui avait fait «un pincement au cœur». Deux agents étaient parvenus à s'extirper de l'autre voiture, alors qu'un cocktail Molotov était tombé sur la banquette arrière. Ils avaient été blessés plus légèrement.
Selon l'enquête, les accusés, membres d'une bande de la Grande Borne, avaient planifié quelques jours auparavant de «niquer des keufs». Juste après l'énoncé du verdict, la cité de la Grande Borne, qui compte des milliers de logements, était «déserte» dans la nuit du 17 au 18 avril, selon une source policière de l'Essonne.