Ce 8 juin 2020, vers 2 h 30, lorsqu’ils interviennent sur un feu de voiture, rue du Docteur-Lachamp, dans le centre-ville de Thiers, les sapeurs-pompiers du centre de secours principal sont loin de se douter que rien ne va se passer comme prévu… Dès leur arrivée sur place, les soldats du feu sont violemment pris à partie par deux frères âgés de 35 et 52 ans, qui leur reprochent visiblement leur délai d’intervention, bien trop long à leur goût…
Pompiers et gendarmes pris sous un flot d’insultesInsultes, menaces, outrages et invectives en tout genre se succèdent à un rythme soutenu, au point que les pompiers préfèrent rester à l’écart, tout en faisant appel à la gendarmerie pour tenter d’apaiser les tensions. Deux militaires se présentent rapidement sur les lieux… et ont droit au même traitement ! Les deux frères ne se calment toujours pas et empêchent même les pompiers d’intervenir, arguant du fait que le feu de véhicule (il s’agit en fait d’une Renault Laguna appartenant au plus âgé) a déjà été éteint par leurs soins.
Estimant alors ne pas être en mesure d’interpeller les deux hommes dans de bonnes conditions, les gendarmes décident de reporter cette opération au lendemain matin, avec des effectifs conséquents. Ce qui sera fait, mais, là encore, dans des conditions plutôt houleuses.
« Je reconnais avoir été virulent et outrageant, mais pas menaçant »Le 6 avril dernier, seul le plus jeune des deux frères – qui avait été placé sous contrôle judiciaire deux jours après les faits, dans l’attente de sa comparution – s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel clermontois (*).
« Je reconnais avoir été très virulent et outrageant, admet-il sans aucune difficulté. Une autre de nos voitures avait été incendiée quelques jours plus tôt et les pompiers avaient déjà mis trop longtemps pour venir. En plus, je sais très bien qui a mis le feu… Tout ça m’a mis sous tension. Alors que d’habitude, je ne fais jamais parler de moi à Thiers. Je suis même la personne qui apaise les conflits dans le quartier ». Il nie, en revanche, avoir commis des voies de fait sur plusieurs gendarmes. Et réfute également les menaces de mort qu’il aurait proférées.
« Ce que j’ai pu dire, ils (les gendarmes et les pompiers, Ndlr) l’ont tourné ensuite comme ils voulaient », poursuit le prévenu. Avant de lâcher cette phrase mystérieuse : « il y a une sacrée machination derrière tout ça ! ».
« La thèse du complot n'est absolument pas crédible ! »« Quel intérêt les gendarmes et les pompiers auraient-ils eu à exagérer les faits ? Et si, comme vous le pensez, il y a une véritable cabale contre vous, pourquoi un seul intervenant (une gendarme de la brigade thiernoise, Ndlr), sur les douze victimes recensées dans ce dossier, se serait-il constitué partie civile ? », l’interroge la présidente, Amélia Guillaume.
« Peut-être parce que j’ai été très, très outrageant. De toute façon, ils appartiennent tous au même corps d’armée, non ? », avance le trentenaire, aussi volubile que nerveux à la barre.
« Cette thèse du complot n’est absolument pas crédible, a ensuite tranché le procureur de la République, Éléonore Drummond. Et ce n’est pas parce que les témoignages des gendarmes sont concordants que ceux-ci se sont concertés ! ». Elle a requis une « sanction pédagogique » : six mois avec un sursis simple et participation à un stage de citoyenneté.
« Mon client est tiraillé entre cette situation délicate et son rôle social au sein de son quartier et de la ville de Thiers, où il coopère très régulièrement et très normalement avec les forces de l’ordre ».
« Mon client a un différend qui ne se règle pas avec un homme qu’il accuse d’avoir mis le feu successivement à deux véhicules de sa famille, a expliqué Me Anne Paccard en défense. Tout cela a exacerbé sa réaction, ce 8 juin. Il est alors dans la passion d’une affaire qui l’a débordé. Mais il n’a pas été l’homme déchaîné que l’on a bien voulu décrire, notamment lors de son interpellation, où il n’a commis aucune violence délibérée ou volontaire à l’encontre des gendarmes. »
Le tribunal l’a entendue sur ce point en relaxant, ce mardi (2), le prévenu des faits de « violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique » (ainsi que pour des propos outrageants proférés à l’encontre des pompiers, lors d’appels répétés au centre opérationnel départemental d’incendie et de secours, le Codis, le 8 juin). Pour le reste, il a été condamné à six mois de prison avec sursis.
Christian Lefèvre
(1) L’aîné, dont le dossier a finalement été disjoint, sera jugé le 15 juin prochain, pour « outrage et violence sans incapacité sur une personne dépositaire de l’autorité publique et rébellion ».
(2) Il avait mis sa décision en délibéré au 13 avril.