Quand un acteur rencontre des collégiens, à quoi ressemblent leurs échanges ? Loin de l’image de dilettante qui colle trop souvent aux artistes, différents thèmes sérieux, et parfois intimes, ont été abordés.« Les élèves n’ont aucun mal à s’identifier, à l’écouter et à lui poser des questions, car il est jeune et il était à leur place, il n’y a pas longtemps », souligne Pierre-André Lanoizelé, professeur au collège Charles-Péguy où le comédien Léo-Paul Salmain a fait ses classes au tournant des années 2010.
L’acteur, que l’on a pu voir dans le film avec Michel Cymes, La Doc et le véto, diffusé sur France 3, le 9 mars dernier, a parlé de rigueur dans le travail : « Sur un tournage, il faut rester concentré, pour ne pas perdre le chemin qu’on a imaginé pour le personnage, surtout qu’on tourne les scènes dans le désordre. » Il a aussi parlé de rigueur à l’école : « Quand on est jeune, on est parfois pressé de grandir. J’aurais aimé plus travailler mes cours d’histoire par exemple, des sujets qui me semble maintenant passionnants. »
Combien gagne un acteur ?Les jeunes ont posé la question de l’argent. Léo-Paul Salmain ne donne pas de chiffres, mais expose la situation : « Quand on tourne un film, on gagne une somme qui peut paraître importante, mais il faut pouvoir tourner plusieurs films par an. Rare sont les comédiens qui ne vivent que du cinéma. » Lui-même, après avoir été diplômé des fameux Cours Florent à Paris, joue au théâtre.
Avant la fermeture des salles culturelles à cause de la crise sanitaire, il jouait dans une comédie musicale sur Jules Verne, depuis deux ans. « La première année, je jouais Paul Verne, son frère, et j’ai dû apprendre à manier des marionnettes. C’est Jeff Panacloc et Jean-Marc qui m’ont initié. L’année suivante, la mise en scène a changé et j’ai joué Michel Strogoff, un rôle pour lequel j’ai dû apprendre à chanter. J’avais deux solos à interpréter sur scène. Chanter devant 800 personnes, c’est se mettre à nu bien plus que de pleurer devant une caméra. »
Un artisan des émotionsLe jeune comédien, pour gagner sa vie, assure également des doublages de voix :« C’est très agréable d’être seul dans le noir face à un micro. Jouer devant un public, c’est magnétique. Enfin, un tournage est plus intime. Les émotions sont les mêmes mais ne se concrétisent pas de la même façon », expose celui qui se définit comme « un artisan de l’immatériel ».
Un collégien lui demande de jouer une scène, là tout de suite, face à l’amphithéâtre : « Est-ce que tu demanderais à un dentiste que tu croises dans la rue de regarder tes dents ? Pour jouer, c’est pareil, il faut un contexte. »
Léo-Paul Salmain évoque « la mémoire des émotions », sa matière première en tant qu’interprète.
« Quand il m’arrive quelque chose, dans ma vie personnelle, je suis attentif à ce que je ressens, je sais que ça peut m’être utile plus tard, pour faire rejaillir ces émotions. Comédien est un travail physique et psychologique. Il faut apprendre ses textes jusqu’à savoir les réciter sans y penser et comprendre pourquoi le personnage dit telle phrase. Il faut être capable d’honnêteté. Avoir une vie saine est primordial. »
Que de chemin parcouru pour ce jeune homme à qui La Montagne avait consacré un long article en 2012, à la sortie du film sur Guy Môquet qu’il incarnait dans La Mer à l’aube, de Volker Schlondörff, Palme d’Or à Cannes en 1979. À l’époque, il était débutant, « on est encore un enfant à 17 ans » admet-il aujourd’hui. La scène où il est face au peloton d’exécution « reste un traumatisme, c’était tellement réaliste ».
Attaché à un poteau, il avait face à lui quarante figurants costumés en SS et armés. Les balles étaient à blanc mais le bruit des détonations était réel (voir photo principale de l'article).« Le tournage avait lieu dans un ancien camp de prisonnier devenu une caserne militaire. C’était une ambiance spéciale. Juste avant cette scène, alors que j’étais déjà attaché, le réalisateur est venu vers moi et m’a dit “Je regrette de t’avoir choisi pour ce rôle”. J’ai pleuré face au peloton. Mon émotion était forte. Il m’a expliqué ensuite pourquoi il m’avait dit ça, c’était pervers, mais il fallait de l’intensité. »
Une génération sacrifiée ?Léo-Paul Salmain échange avec les collégiens de Charles-PeguyLui qui a incarné un adolescent tué pendant la Seconde Guerre mondiale, comment analyse-t-il le discours actuel concernant “la génération sacrifiée” à cause des restrictions sanitaires ? « L’expression est trop forte. Je ne me sens pas sacrifié. Est-ce que ne pas pouvoir faire du sport ou ne pas voir ses amis après 18 heures, sont des sacrifices au regard de ceux subis par la génération de Guy Môquet ? Ma grand-mère a dû se cacher pendant quatre ans dans un couvent pour ne pas être raflée. Pour le coup, on peut dire que sa jeunesse a été sacrifiée », a raconté Léo-Paul Salmain devant les collégiens.
Comment est née sa vocation ?Enfant, il faisait du théâtre. Il a été découvert lors d’un atelier encadré par Jean-Michel Coulon, par Marie-Christine Duchalet, intermittente du spectacle en tant que directrice de casting notamment.« Pour Le Temps des porte-plumes, en 2006, Daniel Duval cherchait de nombreux enfants et Léo-Paul a obtenu le rôle principal », se souvient Marie-Christine Duchalet, contactée par nos soins. « Depuis, il a su prendre en main sa propre destinée, encouragée par sa mère. Je le propose régulièrement à chaque casting et très souvent il est retenu, parce qu’il est plutôt pertinent dans ce qu’il propose, il est heureux de jouer et il est à l’écoute, ce sont ses points forts. »
De son côté, Léo-Paul Salmain reconnaît le rôle primordial que joue Marie-Christine Duchalet en Auvergne pour le cinéma. « Ici, il y a des villes qui ont du cachet, des paysages grandioses et de grands professionnels comme elle, je lui dois beaucoup ».Léo-Paul Salmain, en 2008, a joué dans une adaptation de la bande dessinée Largo Winch. Photo d'archives Philippe Bigard
Quelle est son actualité ?En attendant la reprise de Jules Verne, la comédie musicale à l’affiche du Théâtre Edouard VII à Paris, les téléspectateurs ont pu voir Léo-Paul Salmain à la télévision, dans La Doc et le veto, dans lequel Michel Cymes joue un agriculteur et Léo-Paul son fils. « Il était question de faire une suite si ce téléfilm marchait bien. Les audiences ont été bonnes donc j’imagine que ça va se faire », a révélé le comédien. Marie-Christine Duchalet n’a pas seulement proposé le jeune Moulinois au casting. Figure aussi Olivier Perrier (comédien de 80 ans résidant à Venat) ; David Levadoux (de Riom, qui sera en résidence au théâtre de la Mothe à Yzeure en avril avec sa compagnie du Radis Couronné) et Valérie Schwartz (Venat)….
Stéphanie Ménastephanie.mena@centrefrance.com
