Sylvaine Soulier mitonne une petite blanquette de veau. Enfin, petite, façon de parler : elle en remplit des barquettes et des barquettes. Restauratrice à Bourganeuf, ce n’est pourtant pas dans les cuisines de son restaurant qu’elle travaille ce jeudi matin. Mais dans celles du Pôle viandes locales à quelques kilomètres de là.
Un virage dans sa carrière ? Non, pas vraiment. Confinée, la chef des Chevaliers à Bourganeuf, a simplement répondu à l’invitation solidaire du Pôle viandes locales en décembre dernier. Comme l’explique Guillaume Betton, le PDG de SAS qui a ouvert ses portes en mai 2020.
Une initiative solidaire« Depuis l’ouverture du Pôle, on a des clients dans la restauration privée qui représentent environ 20 % de notre chiffre d’affaires. D’ailleurs, on a même des restaurateurs hauts de gamme qui sont devenus actionnaires (parmi les 80 que compte la société, N.D.L.R.). Là, on a deux flux : on rend service à nos éleveurs utilisateurs qui transforment leurs viandes ici et on achète aussi des animaux dont on vend ensuite les produits sous la marque collective Les viandes paysannes : on fait des viandes, des salaisons, des plats préparés. Avec la crise sanitaire, les restaurateurs sont disponibles et comme nous, on a besoin de préparer des plats cuisinés pour toute la France… »
Pour la confection de ses plats préparés, le Pôle utilise « au maximum des produits locaux. Pour les hamburgers que l’on va faire, on va prendre le fromage chez un de nos producteurs, un boulanger nous fera le pain. Pareil pour les lasagnes. C’est une touche personnelle qui fait aussi vivre les gens localement ». Des plats préparés qui sont stockés par hibernation : « Ils sont hibernés dans une cellule où l’air souffle à 120 km/h et le ressenti est de - 80 °. Ensuite, ils sont stockés dans un super-congélateur. On a largement la place pour les conserver, ce qui nous permet d’avoir toujours du stock. 95 % de nos expéditions sont hibernées : c’est une congélation au top, le produit ressort comme frais ».Quant aux agriculteurs qui viennent ici travailler leurs carcasses, ils peuvent également bénéficier des conseils, voire des suggestions des quatre bouchers qui travaillent au sein du Pôle viandes : « L’objectif, c’est de ne surtout pas standardiser les produits. La viande, c’est l’expression d’un savoir-faire et d’un territoire. Nos animaux ont un potentiel gustatif et festif ».
Une initiative bienvenue pour ces restaurateurs qui, payés pour une prestation de service, ne restent pas chez eux à broyer du noir. « Quand Guillaume Betton, qui venait souvent au resto, m’a proposé de faire des plats ici, j’ai dit : pourquoi pas, rapporte Sylvaine Soulier. Je continue mon métier, ça me fait du bien de sortir du restaurant et j’apprends plein de choses : comment faire du boudin, du pâté de tête… J’étais déjà venue avant Noël, on avait fait du rosbeef en croûte avec de la brioche. Depuis, je suis revenue, j’ai fait des paupiettes de veau, du bourguignon, du hachis parmentier… Guillaume m’appelle quand il a besoin. »
« Ça crée du lien sur le territoire »De quoi conforter l’équipe du Pôle viandes locales qui a voulu via cette initiative « rendre service » et « participer à la vie de ce territoire durant la crise ». Et pas seulement durant la crise d’ailleurs.
Née de cette volonté de transformer sur place la viande produite par des éleveurs locaux, cette jeune société compte bien aussi redorer le blason d’une profession pas toujours bien traitée. « Avec notre centre d’interprétation et de formation où on pourra recevoir du public, on veut montrer les choses bien qu’on fait, souligne Guillaume Betton. Expliquer par exemple la relation agriculture-paysage, montrer l’affinage de la viande mais aussi participer à la lutte contre le gaspillage en recevant des scolaires. »
Aujourd’hui, une vache sur cinq en France part à la poubelle parce qu’on vend des steaks hachés industriels de 150 g alors que les enfants n’en mangent que 100 g !
Alors qu’ici, « on essaie de limiter nos déchets au maximum. Toutes les chutes de découpe sont valorisées et vendues pour l’alimentation d’animaux de compagnie ».
Avec son stock de 100 kg d’avance, la SAS a souhaité faire une bonne action : « Ce jeudi, on fait un don de 50 kg au parc aux loups de Chabrières. Tout cela, ça crée du lien sur le territoire. C’est une dynamique positive ».
Séverine Perrier