Le 24 mai dernier, nous vous contions le vol manqué du coffre-fort de la banque Vignaudon, à La Souterraine, dans la nuit du 12 au 13 septembre 1882. Réveillée par le bruit, une jeune bonne mit le nez à la fenêtre, échappant par miracle à deux coups de pistolet tirés par l’un des trois malfaiteurs. Avec l’autre bonne, elle courut avertir sa patronne, Mme Vignaudon, que les coups de feu avaient à peine éveillée.
Suite à la publication de ce récit, son arrière-petit-fils, Laurent Ducoux, nous en apprit davantage sur cette femme qui fut la première à gérer une banque dans la Creuse.
Rien ne la destinait à devenir la première banquière de CreuseÉlisabeth Madeleine Félicité Lablanche voit le jour le 5 novembre 1834 à La Souterraine. Ses parents, Jean-Baptiste Lablanche et de Madeleine Ricard, sont issus de familles sostraniennes de maîtres paveurs et maçons, dont on trouve trace depuis au moins 1750. J.-B. Lablanche est pharmacien, place du Marché et conseiller municipal, comme avant lui son père, Jacques. Née un an après le mariage de ses parents, Élisabeth, que l’on appelle Noémie en privé, aura deux sœurs, Stéphanie, née en 1837 et Amélie, née en 1847.
Le 17 décembre 1854, à La Souterraine, elle épouse Alphonse Vignaudon, né le 15 février 1827 à Bussière-Dunoise, où son père, Eugène, est entrepreneur de travaux publics et adjoint au maire ; sa mère est Marie Simon. Descendants de plusieurs générations de paveurs et tailleurs de pierres de Bussière-Dunoise, les parents du marié sont issus du même milieu social que ceux de la mariée. Alphonse Vignaudon ne maniera pas la massette mais la plume : après ses études de droit, il ouvre un office d’avoué à Guéret, puis s’installe à La Souterraine, ayant hérité d’un certain patrimoine au décès de son père. Il crée un comptoir d’escompte dans les années 1863-1865, qui deviendra la « banque Vignaudon », 18, rue Saint-Jacques.
Mère de neuf enfantsC’est dans ce bel hôtel particulier que vivront Alphonse et Élisabeth, qui eurent neuf enfants, dont quatre mourront en bas âge : † Madeleine (1855), † Etienne (1856), Eugène (1858), † Stéphanie (1861), † Marcel (1863), Marie (1865), Joseph (1867), René (1872), Hélène (1875) qui se mariera avec Joseph Ducoux, notaire et sera la grand-mère de Laurent Ducoux.
La famille observe les règles de la bourgeoisie de l’époque : sens du devoir, discipline, respect de la religion. Laurent Ducoux nous précise que sa grand-mère, Hélène, élève de la maison d’éducation des religieuses du Sauveur et de la Sainte-Vierge, était notée, outre les matières traditionnelles, sur la politesse, le silence, la soumission. La famille Vignaudon, tout en respectant les fondamentaux de sa classe, n’est pas fermée au modernisme : on fait de la photo, on écoute de la musique sur un gramophone, filles et garçons s’essayent au vélo, l’un des fils, Joseph, conduit son automobile.
Elle succède à son défunt mari en 1876 à la tête de la banque VignaudonLe 8 février 1876, Alphonse Vignaudon décède. Élisabeth prend les rênes de la banque, qu’elle mènera de main de maître. « Comment, a priori sans aucune formation particulière, a-t-elle réussi à reprendre et faire prospérer cette activité tout en élevant sa famille ? » s’interroge aujourd’hui Laurent Ducoux, admiratif de cette aïeule, née sous le règne de Louis-Philippe. Sans doute avait-elle été initiée par son mari à la conduite des affaires. Eugène, le troisième dans la fratrie, d’abord agent d’assurances, dirigera la banque familiale, succédant à sa mère qui décédera le 18 novembre 1909. Rue Saint-Jacques, la « maison Vignaudon » est toujours là. Rien n’a changé hormis l’enseigne, puisqu’elle abrite l’agence du Crédit Agricole, une banque.