Deux semaines après le début du reconfinement, un nouveau Conseil de défense est prévu ce jeudi matin. L’occasion pour l’exécutif de dresser un premier bilan et d’examiner un éventuel durcissement du dispositif. Car sur le terrain, les voyants restent dans le rouge.
Comme des milliers de ses confrères, Laurent Zieleskiewicz, le chef adjoint du département d’anesthésie et réanimation de l’Hôpital Nord de Marseille, ne voulait surtout pas revivre la situation critique du printemps. Ces malades qui affluent, toujours plus nombreux. Ces lits qu’il faut trouver et équiper en urgence. Ces tableaux de garde supplémentaires qui s’empilent pour ne délaisser aucun patient.
Espoir déçu. La deuxième vague épidémique déferle aujourd’hui sur le spécialiste marseillais et ses équipes.
Le nombre de patients Covid hospitalisés et placés en réanimation continue d’augmenter à l’échelle nationale. Où en êtes-vous dans votre établissement ?
La situation n’est pas bonne. À l’Hôpital Nord, nous avons deux services de réanimation. Le premier, qui tourne normalement à 24 lits, est passé à 34. Il est au maximum de ses capacités. Le second compte 15 places en temps normal. Nous venons de monter à 31. On se prépare à ouvrir une dernière unité de huit lits supplémentaires dans les tout prochains jours. On sera alors à 73 places. Après, c’est plié, on ne pourra pas aller plus loin.
Selon vous, ce rebond très puissant aurait-il pu être évité, ou du moins mieux anticipé ?
"Nous avons perçu les premiers signes de cette deuxième vague dès la fin août. Depuis, nous n’avons pas cessé d’alerter. D’autres ont préféré allumer des contre-feux et multiplier les messages rassurants. Ils se sont trompés."
C’est dommage, car ces gens-là ont beau être très minoritaires dans la communauté médicale, ils ont dit ce que l’opinion publique voulait entendre et leur discours a eu un certain écho. Du coup, on a sans doute pris du retard."
Deux chiffres résument très bien la dégradation de la situation dans les Bouches-du-Rhône : jusqu’à début août, il y avait en moyenne cinq patients Covid en réa dans le département. Aujourd’hui, on est passé à environ 250.
Comment vivez-vous cette terrible répétition, à seulement quelques mois d’intervalle ?
Sincèrement, on ne pensait pas être capables de reproduire le même effort qu’au printemps. D’une part parce que toutes les régions sont désormais concernées et que l’on ne peut plus compter sur des renforts venus de l’extérieur. D’autre part parce que cette fois, le choix a été fait de maintenir une activité « non Covid » plus importante et de moins déprogrammer. Résultat : le personnel dédié au coronavirus est moins important, alors que la crise est de même ampleur.
Photo Thierry Nicolas
Pour les soignants, la situation est d’autant plus difficile que le soutien et la reconnaissance sont moindres aujourd’hui. Il ne vous aura pas échappé que les applaudissements ont cessé…
La direction générale de la Santé affirme que le pic de l’épidémie est encore à venir. Craignez-vous de devoir, à court terme, refuser des malades ?
Cette inquiétude existe. Depuis mars, on s’est familiarisés avec un virus que l’on ne connaissait pas. L’expérience des derniers mois nous a permis de progresser dans la prise en charge, de lever certaines appréhensions que l’on pouvait avoir pour nous-mêmes en termes de contagion.
Le souci, c'est que nous sommes tout près de nos capacités maximales, alors que le pool de malades est encore très très important. On craint donc d’être débordés dans les trois prochaines semaines.
Le reconfinement peut-il avoir un effet salvateur, et vite ?
On l’espère, sans avoir de garantie. Les gens doivent en tout cas comprendre qu’il faut absolument respecter les consignes pour éviter la saturation du système de santé, dont ils seraient les premières victimes.
En mars, le confinement nous a sauvés. D’un seul coup, les admissions se sont effondrées. À une semaine près, on était dépassés. Certes, aujourd’hui, la marée monte plus doucement, mais depuis plus longtemps. Lorsque le reconfinement a été mis en place, le niveau de la vague était déjà bien plus haut que la première fois. Le dispositif actuel est aussi moins strict. Pour toutes ces raisons, oui, on est inquiets…
Propos recueillis par Stéphane Barnoin