Après des semaines d'incertitude pendant lesquelles les rumeurs les plus improbables ont couru, notamment sur les réseaux sociaux, le président Jacob Zuma a finalement annoncé sa démission, avec prise d'effet immédiat le 14 février dernier. Cyril Ramaphosa, le leader nouvellement élu du Congrès national africain (ANC) reprenait alors le flambeau et devenait le cinquième président d'Afrique du Sud. La nouvelle en a réjoui plus d'un, qui voient en Ramaphosa, héritier historique de Nelson Mandela, le leader à même de restaurer la dignité d'un pays frappé du sceau de la corruption, fléau auquel Jacob Zuma était largement associé. En reprenant les rênes d'un pays en grande difficulté, Ramaphosa doit se préparer à affronter de nombreux challenges, tous de taille, au point qu'ils pourraient mettre en péril son maintien au pouvoir sur le long terme.
Une économie moribonde à revivifier
L'un des premiers challenges pour le nouveau président sera de redresser l'économie sud-africaine, affectée par des années de crise économique qui ont plombé le pays. Avec un taux de chômage frôlant les 27% et des prévisions de croissance pour 2018 ne dépassant pas les 1.4%, selon les derniers chiffres publiés par la South African Reserve Bank, Ramaphosa devra puiser dans ses ressources de businessman patenté pour relever le défi économique qui l'attend. D'autant que les investisseurs étrangers ont perdu toute confiance dans les instances du pays, notamment depuis l'abaissement de la note attribuée à sa dette au rang de 'junk' par les grandes agences de notation, dégradation qui avait directement fait suite au limogeage du très populaire ministre des finances Pravin Gordhan en mars 2017. A ce stade, iI est donc probable que le nouveau président n'ait d'autre choix que de mettre en place une politique économique d'austérité, qui risque de susciter le mécontentement des Sud-Africains, en premier lieu des étudiants à qui Zuma avait fait la promesse populiste d'instaurer la gratuité des frais universitaires. Ramaphosa devra probablement revenir sur cet engagement, avec le risque évident que les grandes vagues des manifestations estudiantines qui avaient secoué le pays pendant l'été 2016 reprennent de plus belle.
Dans la même lignée, la reprise économique ne pourra se faire sans un assainissement profond des entreprises publiques du pays, qui souffrent de graves dysfonctionnements et d'un manque de fluidité en cash chronique, grandement dus à l'impéritie de ses dirigeants et aux nombreuses affaires de corruptions qui les frappent. Ramaphosa a déjà fait un pas en ce sens en limogeant le conseil d'administration de l'entreprise publique d'électricité, Eskom. Il devra aller plus loin dans les mois à venir et appréhender avec la même sévérité le cas des autres entreprises publiques, comme PetroSA ou South African Airways.
Une lutte contre la corruption à livrer
Le redressement de l'économie devra impérativement et prioritairement passer par une large bataille contre la corruption qui gangrène l'Etat à tous les niveaux, en premier lieu sa présidence, avec un Zuma visé par pas moins de 783 chefs d'accusation pour corruption. Ramaphosa semble bien en être convaincu, lui qui a érigé la lutte contre la corruption comme priorité absolue dès son accession à la tête de l'ANC en décembre dernier. Il devra poursuivre en ce sens et purger le pays de tous ses éléments corrompus, souvent présents dans les plus hautes sphères du pouvoir. Ramaphosa sera d'emblée attendu sur le dossier Zuma, son premier test d'honorabilité, sachant qu'une procédure d'enquête a été lancée à son encontre, et devrait aboutir, si les chefs d'accusations sont confirmés et la procédure menée de manière diligente, à la condamnation de l'ancien président, et des Gupta, puissante famille accusée d'être directement mêlée à tous les scandales de corruption dans lesquels trempe Zuma.
Un parti politique grandement divisé à réunifier
La bataille contre la corruption devra se faire avant tout au sein de l'ANC, ce qui risque de mettre davantage en difficulté politique le nouveau président, et d'approfondir les divisions déjà existantes au sein du parti. En effet, Ramaphosa, élu à une courte majorité à la tête de l'ANC en décembre contre Nkosazana Clarice Dlamini-Zuma, ex-femme de Jacob Zuma, dont la candidature avait été assimilée à une tentative d'empêcher les poursuites judiciaires contre son ex-mari, reste un leader loin de faire l'unanimité dans les rangs du parti. Zuma conserve une large base de supporters, qui ont longtemps bataillé pour empêcher que le parti ne demande officiellement sa démission. A ce jour, l'ampleur des divisions est telle que le parti risque tout simplement l'éclatement, avec le départ des pro-Zuma qui pourraient alors créer leur propre parti autour de la figure de l'ancien président. Ramaphosa devra donc réinjecter de l'unité au sein de l'ANC, et ce avec d'autant plus de détermination que la prochaine échéance électorale est prévue pour 2019. Les élections à venir constituent en effet un test majeur pour le nouveau président, et plus globalement pour l'ANC en perte de vitesse depuis quelques années, en raison des nombreuses critiques et accusations de corruption à l'encontre de Zuma, qui ont largement détérioré son image. A cet égard, les résultats des dernières élections municipales avaient été bien décevantes pour le parti de Mandela, qui a perdu le contrôle de plusieurs grandes municipalités, dont Johannesburg et Pretoria. En 2019, l'enjeu sera donc crucial, l'ANC risquant de perdre la majorité absolue au Parlement, une première dans l'histoire post-apartheid de l'Afrique du Sud.
Ramaphosa commence ainsi son mandat avec l'urgence de résoudre des problèmes de taille qui rongent l'Afrique du Sud depuis plusieurs années déjà. Pour ce faire, il devra mener des batailles sur les fronts économique et politique, et ce en dépit des éventuelles contradictions qui pourraient se poser en terme d'objectifs à atteindre. Pour l'heure, il ne reste plus qu'à lui souhaiter de mener ces combats avec ferveur et détermination pour que sa première victoire, l'accession à la fonction suprême, soit suivie d'autres succès, d'abord aux élections de 2019, aboutissant à la conclusion qu'il aura alors certainement gagné la guerre.
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