Manifs un peu partout, mails ravageurs, pétitions multiples, tweets vengeurs, sites dédiés, les retraités sont en colère. En cause, notamment, la hausse de la CSG qu'ils constatent avec leurs pensions. Il est vrai que les plus âgés sont les victimes d'une baisse continue de leurs revenus. Au moment où l'on prône le plus de pouvoir d'achat.
Si Colbert a créé en 1673 la première caisse de retraite, pour les invalides de la marine, si en 1910 s'instaurent les rentes ouvrières et paysannes à cotisation facultative pour les plus aisés, obligatoire pour les autres (on touchait une pension garantie par l'Etat à partir de 65 ans, mais la durée de vie était souvent inférieure!), ce n'est qu'en 1945 qu'est mis en place un système de retraite par répartition, celui que nous connaissons aujourd'hui encore. En 1947 les cadres créent un régime complémentaire, l'Argirc, suivi en 1961 de l'Arrco pour les non cadres. En 1972 la durée de cotisation passe de 30 à 37,5 ans pour bénéficier d'une pension complète, en 1982 l'âge de la retraite passe de 65 à 60 ans, et c'est en 1993 qu'avec la loi Balladur que débutent les ponctions. Cela fait donc 25 ans, avec des réformes continues, aussi bien venues de la droite que de la gauche (et aujourd'hui du ni droite-ni gauche), que les 16,5 millions de retraités se sentent mal-aimés. D'autant qu'il s'agit là d'une population que les gouvernements ne se gênent pas de cibler, souvent dans l'indifférence générale, car non gréviste et plutôt conservatrice, elle est peu encline à ruer dans les brancards...
0,8% contre 0,9%
La première régression est venue avec la réforme Balladur: les pensions des salariés du privé sont désormais calculées sur les 25 meilleures années (au lieu de 10), la durée de cotisation passe de 37,5 à 40 ans, et l'indexation des retraites se calcule sur les prix, non plus sur les salaires. En 2003/09 les régimes spéciaux et ceux des fonctionnaires vont progressivement s'aligner sur ceux du régime général et est introduit un système de surcote et de décote selon l'âge de départ.
En 2013 est instaurée une nouvelle cotisation de 0,3% qui s'ajoute à la CSG et au même moment les pensions versées par les régimes complémentaires sont gelées. En 2014 nouveau coup porté avec la suppression de certaines niches fiscales, entrainant mécaniquement pour de nombreux retraités un taux de CSG passant de 3,8% à 6,6% et une taxe d'habitation plus élevée. En 2017, après des années de gel et de sous-indexation des régimes de base et complémentaires, la pension a enfin été revalorisée de 0,8% (moins que l' inflation), mais non au 1er janvier mais décalée en octobre.
Pas 1,7% mais 1,86%
Le trop plein du mécontentement est venu avec le relevé des pensions de ce début 2018. Le gouvernement "au nom de la solidarité inter-générationnelle " a annoncé une hausse de la CSG des retraites de 1,7% sans autre compensation. Soit tout de même une augmentation de 25,75% de la CSG payée antérieurement . Reste que cette CSG est instaurée sur le brut: sur le net, c'est à dire le réellement perçu, cette hausse n'est plus de 1,7% mais de 1,84% pour le régime de base et 1,86% pour les complémentaires. De plus la hausse de la CSG ne devait pas concerner les pensions mensuelles inférieures à 1.200 euros . Fausse annonce: c'est le revenu fiscal qui est pris en compte: dans le cas d'un couple, le plafond est alors de 1.838 euros, et si mari et femme perçoivent chacun 920 euros, ils sont touchés par la hausse tout comme un couple dont l'un bénéficie d'une retraite de 1.300 euros et l'autre de 550 euros. Autrement dit, un retraité qui a une pension de 1.205 euros perd 245 euros dans l'année, 352 euros pour celui qui touche 1.800 euros, 510 euros pour celui qui touche 2.500 euros
1.304 euros par mois
A cette perte de pouvoir d'achat non compensée s'ajoutent bien d'autres facteurs de mécontentements tant les augmentations tarifaires se multiplient: dépenses de santé, carburants, cigarettes, assurances, énergies, transports, etc... Ainsi les mutuelles, pour lesquelles les retraités payent le double à prestation égale de ce qu'ils réglaient lorsqu'ils étaient salariés (l'entreprise prend en moyenne 50% à son compte) ont augmenté de 2 à 5% en 2017 et 3 à 5% en 2018, amenant une cotisation de moyenne qualité à plus de 150 euros mensuels par personne.
Sans parler du malaise des maisons de retraite, un sujet qui sensibilise nombre de personnes âgées, les retraités se sentent de plus en plus méprisés. Ce n'est pas par hasard que par ci (Grenoble), par là (Pau) des manifestations se déroulent chaque semaine: le ras le bol est évident, d'autant que pour beaucoup de retraités, la solidarité revendiquée par le gouvernement est depuis longtemps une réalité quotidienne, ne serait-ce qu'en aidant enfants, petits enfants et même parents. On ne cesse de les culpabiliser pour leur "richesse", bien que la moyenne des pensions se situe à 1.304 euros par mois, pas une fortune, et il est logique qu'une personne ayant travaillé toute une vie ait un patrimoine plus important qu'un jeune débutant.
76% des retraités ont voté Macron au deuxième tour de la présidentielle. Il est peu probable qu'ils soient aussi nombreux à soutenir à nouveau un président de 40 ans.
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