Il n’y a pas de baguette magique, tout n’est pas rose… Mais il existe des petits coups de pouce qui aident à aller de l’avant après avoir subi un cancer du sein, à réduire les douleurs et les craintes, pour gagner en souplesse, en force et reprendre confiance en soi. Portrait d’une pratique pas comme les autres avec la coach qui l’a mise en place, Jocelyne Rolland.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°22 d’octobre-novembre-décembre 2021
Quand le corps, les sensations et la confiance sont déconstruits, il faut miser sur leur remise en route. C’est avec cet objectif audacieux que Jocelyne Rolland, kinésithérapeute, a commencé à construire le pilates adapté au cancer du sein, en 2012. Une pratique qui existait déjà aux Etats- Unis ou en Australie, mais qui n’était pas encore implantée de la sorte en France.
Le pilates, en soi, est une pratique douce, qui travaille les muscles en profondeur. Dans le cas d’une chimiothérapie, cela permet de récupérer les muscles que celle-ci a fait fondre et a enraidi, pour une reconstruction globale.
Parce qu’on ne le répètera jamais assez, le sport est le meilleur des remèdes. Cette routine le prouve, une fois encore.
C’est un peu par hasard que Jocelyne en est venue à travailler sur ce concept, en traitant des femmes atteintes de cancer du sein à son cabinet.
Elle a d’abord longtemps observé les réactions des personnes souffrant de cette maladie pour comprendre les appréhensions, les déficits de l’épaule qui limitent l’amplitude et créent des douleurs, la crainte de s’allonger sur le ventre, la peur de souffrir des cicatrices sur le dos…
Tout ça non pas pour immobiliser les zones douloureuses mais au contraire pour mettre en jeu les parties du corps meurtries et pour apprendre à la pratiquante à s’en servir à nouveau, progressivement.
« Je mets un point d’honneur à ce que ces femmes puissent s’allonger sur le ventre ou sur le creux de l’aisselle sans appréhension ! J’ai construit mes cours sur ce que les femmes avaient du mal à faire, en déconstruisant le schéma féminin, pour aider les femmes à prendre confiance en elles. » Et ainsi, in fine, réduire les risques de récidives du cancer du sein.
Au départ, persuadée des bienfaits du pilates chez ses patientes, la kinésithérapeute leur suggère de se joindre à des cours collectifs, mais très vite, elle se rend compte des limites d’une telle démarche.
Les refus sont nombreux, à cause de complexes multiples par rapport aux autres pratiquantes «non malades» – port de perruque, prise ou perte de poids – pour ces femmes qui ne reconnaissent plus leur corps et nécessitent une attention et une pratique toute particulière.
Avoir étudié les limites et les craintes de patientes touchées par le cancer du sein a permis à la kinésithérapeute de définir des variantes de postures pilates pour les aider sans les abîmer.
« Le pilates, ce sont des milliers d’exercices, avec des adaptations et des libertés possibles, tout en respectant les référentiels pilates listés par son inventeur, Joseph Pilates. Certaines positions appuient sur le pectoral. Je vais trouver des solutions pour travailler les muscles des omoplates afin de redresser et de détendre le pectoral, ce dernier étant trop douloureux post cancer du sein, trop court pour être travaillé avec insistance ».
C’est le cas des mouvements allongés sur le côté, paume de main initialement tournée sur le sol, qu’elle oriente de suite vers le plafond. Idem pour les postures allongées sur le ventre ; pour aider à ouvrir l’épaule, elle tendra vers une position des bras en chandelier, les coudes à 90°. Quant au « Shoulder Bridge » (demi-pont en appui sur les épaules et les pieds), elle pourra proposer de monter sur demi-pointes si les orteils s’avèrent raides.
Il s’agit donc d’ajouter des « ingrédients roses » pour une pratique plus douce et plus efficiente. Jocelyne peut aussi mettre en jeu le petit matériel comme le ballon paille (petit ballon gonflable d’une vingtaine de centimètres) ou l’isotoner (appelé aussi pilates ring) pour apporter d’autres options.
C’est Jocelyne qui forme les futurs enseignants en Rose Pilates sur deux journées, que ce soient des kinés ou des coachs sportifs. Les prérequis sont d’être formé au Matwork 1 (la formation initiale de Pilates, premier niveau).
Et d’avoir des notions médicales du cancer du sein et de la chirurgie. Aujourd’hui, ce sont pas moins de 1 700 professionnels qui sont formés par ses soins. Les coachs peuvent aussi s’appuyer sur son ouvrage, «Belle et en forme après un cancer du sein». La méthode Rose Pilates, de Jocelyne Rolland, Editions Ellébore, 34 € sereconstruireendouceur. com/rose-pilates.
Jocelyne a par ailleurs réalisé le manque du Rose Pilates : l’endurance. C’est pourquoi elle a également lancé l’Avirose, un rameur adapté qui apporte la dépense énergétique.