Du rêve au cauchemar. Le 5 mai 1992, les stars de l’OM de Bernard Tapie, Papin, Waddle, Pelé, Amoros, Boli… débarquent sur l’île corse pour une demi-finale de Coupe de France contre le SEC Bastia (Sporting Étoile Club Bastia), alors en deuxième division. La fête s’annonce belle, le stade de Furiani a fait le plein. Pour cette affiche, la capacité de l’enceinte sportive a été portée à 18.000 places, avec l’installation d’une tribune provisoire de 10.000 places spécialement pour l’événement. Le coup d’envoi approche. Il est 20 h 23, quand un grand fracas et un silence assourdissant mettent fin aux chants des supporters. La tribune nord du stade Armand-Cesari de Furiani vient de s’effondrer. Au total, on dénombrera 2.357 blessés et 19 morts lors de ce drame, le plus grand de l’Histoire du sport français.
Ancien de l'AFC, de la Vallée de l'Authre et d'Espinat, Florent Vigo était stagiaire pro au sein du club corseAlors stagiaire pro au sein du club corse, Florent Vigo, ancien entraîneur de l’AFC, de la Vallée de l’Authre et d’Espinat a vécu l’effondrement de la tribune au stade de Furiani.
« Je suis le 16e homme pour ce match, mais à l’époque, l’entraîneur ne pouvait mettre que treize noms sur la feuille de match. La veille, j’apprends que je ne jouerai pas… Le lendemain, je me trouve dans la fameuse tribune où j’avais ma place réservée. Cinq minutes avant le drame, je suis dessous, je plaisante quelques instants avec un pompier, je fais dix mètres… J’ai eu le temps de me retourner, j’ai vu la tribune tomber de la gauche vers la droite comme un château de cartes… Le pompier avec qui je discutais est, lui, décédé… Si j’étais resté plus longtemps avec lui… »
Il a fallu quinze ans à Florent Vigo pour pouvoir regarder un match de Bastia ou une émission évoquant la catastrophe à la télévision. Il y a deux ans, à l’invitation du Collectif des victimes du 5 mai, des retrouvailles des joueurs du Sporting des années 92, 93 et 94 sont organisées à l’occasion des célébrations du 30e anniversaire de la catastrophe de Furiani. Florent Vigo, qui n’a jamais remis les pieds à Furiani, y participe. « Le fait de rentrer sur la pelouse, ça a été comme une thérapie. Ça m’a fait du bien. C’était ma maison, je dormais et je mangeais au centre de formation, qui se trouvait sous les tribunes. Ce jour-là, il y a eu beaucoup d’émotion. Nous étions si heureux de nous revoir 30 ans plus tard, certains pour la première fois, qu’on a décidé de poursuivre cette aventure. »
Un match de gala au Sivadou, à Espinat, samedi 22 juinL’Associu Sporting Bastia 92, composée d’anciens joueurs du club, qui ont contribué à la notoriété du club à travers son épopée en Coupe de France en 1991-1992 et à la reconstruction du club après la tragédie du 5 mai, est née. Tous ces anciens se retrouvent régulièrement pour participer à des tournois, matchs d’anciens, rappelant par leur présence la catastrophe.
« L’objectif est de perpétuer ce souvenir du 5 mai, faire connaître ce qu’il s’est passé aux plus jeunes, aux côtés du Collectif, autour d’opérations diverses et festives, caritatives, pour ne jamais oublier ce drame. »
C’est le but de la journée du samedi 22 juin qui aura lieu au Sivadou, à Espinat. Florent Vigo, entré dans le bureau de l’association, a invité ses anciens camarades de jeu corses et d’autres coéquipiers pour une journée de gala. Après un tournoi vétérans à quatre équipes, puis une prise de parole du Collectif et de l’Associu, le film sur la tragédie sera projeté, avant un match de gala qui opposera les anciens de l’AS Espinat à l’Associu Sporting Bastia 92 avec les présences de Didier Gilles (ASSE, OM, Bastia), Thierry Taberner (SC Toulon, Auxerre, Bastia), Gilles Salou (SC Toulon, Martigues, Bastia), Laurent Castro (Montpellier, Ajaccio, Bastia), Fred Mendy (Montpellier, Martigues, Bastia) ou encore Hamid Bourabaa (Bastia, Lens, Dunkerque). L’entrée au match est gratuite. La journée se terminera par un repas dansant, « où tout le monde peut venir », invite Florent Vigo.
Après des années de lutte, le Collectif des victimes de la catastrophe de Furiani a enfin obtenu, en octobre 2021, un vote favorable du Parlement afin qu’aucun match de football professionnel ne se tienne en France le 5 mai en hommage aux victimes.
Emmanuel Tremet
