Les PME, ETI et start-up exportatrices étaient à l’honneur hier soir à l’hôtel Potocki, à Paris. Le siège de la CCI de Paris-Ile-de-France accueillait comme chaque années la cérémonie de remise des trophées du Moci distinguant des entreprises de secteurs aussi variés que la Travel Tech, l’industrie ou les dispositifs médicaux.
Une proposition qui dénote dans un secteur en plein essor et une ascension fulgurante sur trois continents : c’est le combo gagnant qui a permis à cette entreprise d’Asnières-sur-Seine de se distinguer. Filigran conçoit en effet des solutions open source de cybersécurité utilisées aujourd’hui par plus de 6 000 organisations privées et publiques, partout dans le monde. Chantre de l’open source, un modèle de développement reposant sur un code source en libre accès, l’entreprise a mis en place son XTM Hub, une marketplace où les membres de la communauté peuvent collaborer et partager des ressources.
Cette stimulation de l’engagement des utilisateurs a été un atout majeur dans l’internationalisation de Filigran. Pour l’exercice 2024, elle prévoit un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, dont les trois quarts à l’export. En valeur, entre 2022 et 2023 son chiffre d’affaires à l’export a bondi de… 540 % ! En seulement deux ans d’existence, grâce à une équipe comptant aujourd’hui 20 personnes entièrement focalisées sur le développement international, la start-up a ouvert deux filiales, aux Etats-Unis et en Australie, et prépare actuellement deux autres implantations, au Royaume-Uni et en Espagne. Avant, certainement, d’en ouvrir de nouvelles dans les années à venir.
Propulser au grand export une ETI industrielle du Maine-et-Loire grâce à l’innovation et à une diversification de son activité ? C’est exactement ce qu’ont fait les dirigeants de Stif. Grâce à un brevet acquis il y a une quinzaine d’années en échange de l’effacement de la dette d’un client, cette entreprise spécialisée ans les composants pour la manutention (godets d’élévateurs, raccords à pression…), cette entreprise familiale qui fête cette année ses 40 ans d’existence, enregistre des taux de croissance dignes d’une start-up et une forte expansion à l’international depuis deux ans et demi.
Explication : à la demande d’une filiale de Total Energies le brevet en question, qui portait sur la protection contre les explosions de poussières industrielles, a permis de développer un produit prévenant les incendies dans les unités de stockage d’énergie d’origine renouvelable (ENR). L’innovation fait mouche et un premier contrat avec Tesla en appelle rapidement d’autres (avec Sungrow, Nidec, les chinois Catl et Byd, Hitachi au Japon et Siemens Energy en Allemagne). Résultat : le chiffre d’affaires s’envole, passant de 35 millions d’euros en 2023 à 60 millions d’euros cette année, et 80 % des ventes sont réalisées à l’international (+30 %). Avec le triplement de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, Stif y a ouvert une filiale cette année. Aujourd’hui, elle travaille à l’agrandissement de son usine. Et songe à s’implanter en Corée du Sud.
C’est la Travel Tech française qui n’en finit pas de monter. Lancée en 2013 à Montreuil, cette entreprise de 191 salariés commercialise auprès des distributeurs et fournisseurs de voyages (agences, marques d’e-commerce, conciergeries…) une plateforme BtoBtoC en marque blanche. Jusque-là, rien d’extravagant. Sauf que cette solution rend possible la création de séjours sur mesure dans 80 destinations grâce à un énorme catalogue comportant quelque 20 000 hôtels, plus de 5 000 activités et 1 500 itinéraires. De quoi satisfaire toutes les envies des clients finaux, des amateurs de farniente sur des plages exotiques aux randonneurs dans des contrées insolites en passant par les voyageurs férus de découvertes culturelles.
Après une pandémie qui a confiné le monde entier, Worldia a profité de l’explosion de la demande dans le secteur du tourisme pour mettre le cap à l’international. Après un premier pas hors de l’Hexagone en 2017 avec l’ouverture de l’Allemagne, la Belgique et la Suisse, en 2023 et 2024, tout s’accélère. Elle pose ses valises en Espagne et au Royaume-Uni, décroche deux premiers contrats en Amérique du Nord, aux Etats-Unis et au Canada. Elle développe une stratégie différente sur chaque marché, en fonction des législations et des ressources : consultant aux USA, équipe locale en Allemagne et en Espagne, commercial dédié en Angleterre… Alors que la fringale de voyages s’essouffle, cette internationalisation permet à l’entreprise de continuer à se développer. En 2023, son chiffre d’affaires à l’export a grimpé de 57 % pour atteindre 3,8 millions d’euros, sur un chiffre d’affaires total de 88 millions d’euros. Cette année il devrait s’envoler de pas moins de 246 %.
Inventer un substitut végétal aux œufs pour les professionnels de la boulangerie-pâtisserie, dans un pays traditionnellement rétif au véganisme, il fallait oser. C’est pourtant le pari, très culotté, qu’a pris cette jeune pousse parisienne à sa création en 2019, en misant notamment sur l’export. Cinq ans plus tard, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le chiffre d’affaires à l’international de Yumgo s’est envolé de 218 % en 2023 pour atteindre 300 000 euros, soit 43 % du CA global (700 000 euros). Royaume-Uni, Japon, Taïwan, Etats-Unis, Canada, Scandinavie, Belgique… La sauce prend d’autant plus rapidement que le prix des œufs a bondi de 30 % en 2022.
Fondateur des boulangeries Maison Landemaine et de l’enseigne 100 % végétale Land&Monkeys, Rodolphe Landemaine et son associée Anne Vincent, en charge de l’international, ont rapidement conquis les professionnels avec un produit sans réel concurrent sérieux, conçu avec l’appui de l’université d’Angers, trois fois breveté et composées d’entre 3 et 6 ingrédients maximum : protéine de pomme de terre, fibre d’acacia, fibre de lin, amidon de pois, huile de colza, farine de pois chiches et de riz…De plus, ce substitut en poudre, se conservant 18 mois, compact, léger, moins cher à transporter et à stocker est particulièrement adapté à l’export. Cerise sur le gâteau végan, la présence de cet ersatz est absolument indiscernable au goût. Un produit innovant, porteur de valeurs fortes et qui conserve toute sa gourmandise, voilà qui a de quoi séduire les palais du monde entier.
En 25 ans, cette PME héraultaise qui a débuté par le traitement sans chlore des piscines privées, s’est fait une spécialité des systèmes permettant de traiter et désinfecter l’eau, sans ajout de chimie, grâce aux ultraviolets, à l’ozone ou à l’électrolyse de sel. Au fil des ans, l’entreprise a décliné ses solutions dans de nombreux domaines d’applications : les eaux de ballast de bateaux, l’aquaculture, les eaux usées et eaux de processus industriels ainsi que la potabilisation. Les demandes pleuvent : complexes aquatiques à Hong Kong, complexes hôteliers de luxe en Arabie saoudite et Singapour, élevage de saumon en Ecosse, recyclage des eaux de lavage de fruits et légumes au Pays-Bas. BIO-UV s’est par ailleurs occupé, via son partenaire italien Myrtha, partenaire des JO, de la piscine olympique de Paris la Défense Arena cet été. Une carte de visite en or pour cette entreprise de 160 personnes qui a pris d’assaut le marché américain.
En 2021, l’entreprise signe en effet un accord de développement avec The Columbia Group dans le maritime pour adapter et fournir à la US Navy des systèmes de traitement des eaux de ballast livrés en 2023 et 2024. Le Canada se laisse tenter et équipe un navire de la Canadian Coast Guard. En parallèle, le solde d’un litige avec Evoqua/Neptune Benson, réouvre le marché du récréatif aux Etats-Unis pour BIO-UV. En 2023, un accord commercial et technologique avec Innovasea permet la certification des produits selon les normes US et leur distribution. Enfin, en février dernier, un partenariat incluant un transfert de technologie avec Pinnacle Ozone Solutions, fabricant américain de générateurs d’ozone donne lieu à un premier succès commercial chez l’un des plus importants producteurs de saumons en Ecosse. Bref, en Amérique du Nord, BIO UV se sent comme un poisson dans l’eau.
De l’élaboration de la matière première jusqu’à la commercialisation en passant par le packaging, cette PME bretonne de 147 employés maîtrise son sujet : les implants intraoculaires pour la chirurgie de la cataracte et réfractive. Concrètement, elle fabrique les lentilles qui, lors d’une opération de la cataracte, remplacent les cristallins opacifiés. Créée en 1994, elle est l’une des premières entreprises à s’être lancée dans la production de ces dispositifs médicaux et cette activité ultraspécialisée lui a permis de se tailler une place de choix non seulement sur le marché français, mais aussi dans cinquante pays ayant autorisé la commercialisation de ces implants.
Cette activité à l’export représente désormais 58 % du chiffre d’affaires total (15,2 millions d’euros).
Si Cristalens avait déjà bénéficié de divers financements (subvention de 150 000 euros de la part de Bpifrance et de la Région Bretagne, mise en place d’une assurance prospection), elle a décroché la timbale en rejoignant en 2020 le club très fermé des entreprises sélectionnées par la Commission européenne dans le cadre de son appel à projets « Horizon 2020 ». Outre la reconnaissance de son excellence scientifique, la participation à ce programme de financement de la recherche et de l’innovation de l’Union européenne a permis à Cristalens de recevoir une subvention de 1,6 million d’euros via l’EIC Accelerator, dédié aux PME innovantes. De quoi financer une vision ambitieuse de son expansion internationale.
La success story de Thuasne est indissociable de l’export. La fabrique familiale de rubans lancée en 1847 à Saint-Etienne s’est plus tard spécialisée dans les dispositifs médicaux, en particulier les orthèses. Six générations plus tard, elle réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’export et a ouvert cette année une filiale en Australie avec pour objectif de couvrir non seulement l’Australie et la Nouvelle-Zélande mais également l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et le Vietnam. L’objectif ? Aller chercher des relais de croissance dans une des rares régions du monde dont l’économie reste dynamique.
De plus, l’entrée en vigueur du Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), vaste accord de libre-échange qui lie les dix pays de l’Asean et cinq pays qui disposaient déjà d’un accord de libre-échange bilatéral avec l’Asean (l’Australie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande), arrive à point nommé pour l’ETI tricolore. Cet excellent timing devrait lui faire réaliser des économies de droits de douane. En revanche, Thuasne a fait une entorse à sa stratégie de proximité avec les marchés en Inde, pays complexe mais prometteur où l’entreprise a préféré travailler avec un partenaire local. Garder le cap tout en sachant s’adapter rapidement aux réalités du terrain ? Cette marque de fabrique a permis à l’entreprise de passer d’un petit atelier familial à l’un des leaders mondiaux des orthèses.
Sophie Creusillet
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