Originaire des Deux-Sèvres, Lise Rousset élève 54 alpines à La Bourboule. Après avoir travaillé dans la logistique et le transport, elle a changé de vie et créé la Ferme de Chamablanc en 2020, pour fabriquer du lait et des fromages de chèvre bio qu’elle vend sur son exploitation et sur les marchés. Pour cela, la quadragénaire est repartie en formation, a entamé des démarches auprès des chambres d’agriculture, et a surtout cherché où s’installer.
« Mon mari voulait une zone de montagne, il a toujours adoré ça. Nous sommes allés voir dans les Pyrénées et nous sommes venus ici, dans le Sancy. On avait ciblé La Bourboule et le Mont-Dore. »
Quête de foncierSur place, le couple multiplie les contacts : « On a rencontré le notaire de La Bourboule, la Safer, de nombreux agriculteurs et appelé pas mal de maires ». Car dans son projet d’installation, hors cadre familial, l’éleveuse se heurte à deux difficultés : l’administratif et le foncier. Il lui faut trouver des terres où faire pâturer ses bêtes et des terrains à faucher. Problème : les prix flambent lorsque les parcelles sont moins pentues et moins riches en pierres.
La solution va finalement être double pour la jeune agricultrice : acquérir en fonds propres une dizaine d’hectares, complétés par d’autres terrains achetés via une acquisition différée du foncier avec la Safer. Cette Société d’aménagement foncier et d’établissement rural - qui n’a pas le droit de faire des bénéfices - accompagne les porteurs de projet (viable) désireux de s’installer en milieu rural. En 2023, dans le Puy-de-Dôme, 45 % des rétrocessions effectuées par la Safer ont été réalisées en faveur de l’installation, dont 60 % hors cadre familial, et 71 % de la surface vendue étaient destinés à l’agriculture.
Territoires les plus prisésDans le département, comme dans la France entière, la tendance est à la diminution de la surface agricole utile. D’abord parce que l’urbanisation se développe. Ensuite parce qu’« il y a de la consommation masquée. C’est-à-dire que des terres agricoles sont vendues en même temps que d’autres biens (souvent du bâti) et que les personnes qui achètent ne sont pas des agriculteurs. On essaye de maîtriser le phénomène quand on a des transferts de biens bâtis », précise Anne-Karine Quemener, directrice du service départemental du Puy-de-Dôme Safer.
Pour ce faire, la société anonyme encourage par exemple l’acquéreur à proposer ces terres agricoles à des agriculteurs, via des baux, pour ne pas perdre trop de surface. Beaucoup de terres de très bonne qualité, situées autour de Clermont-Ferrand, sont également convoitées pour des zones d’activité, de l’habitat ou pour des activités agricoles. Les territoires les plus prisés dans le département se situent en Limagne et dans le Sancy.
Dans le Sancy d’ailleurs, « les prix sont hauts car on a une appellation (saint-nectaire, NDLR) toute petite avec un cahier des charges à respecter, pour lequel le lait doit être collecté dans un certain périmètre comme le fourrage notamment. À côté, on a des endroits beaucoup moins concurrentiels, comme le secteur des Combrailles ou le Livradois-Forez. »
TensionsLe Sancy attire également d’autres agriculteurs extérieurs au département, en quête de terres d’estives entre autres. « Cela génère certaines tensions sur le marché », constate Anne-Karine Quemener. Afin d’avoir plus de détails sur le prix du foncier agricole, la Safer a lancé un site internet, Le prix des terres, où sont référencés les prix des terres et des prés, des vignes, des forêts et des maisons à la campagne.
« Pour le prix, tout dépend du contexte local, si les terrains sont irrigués ou pas, etc., liste Anne-Karine Quemener. S’ils sont irrigués, ils valent vraiment plus cher. S’ils peuvent accueillir du maïs semence, cela va aussi booster leur prix parce que ça apporte de la valeur ajoutée. »
Le nombre d’agriculteurs sur le secteur va également influer. « Des fois, il n’y a plus qu’un ou deux agriculteurs sur un village, il n’y a donc pas de réelle concurrence. Alors qu’en face, il peut y avoir dix ou quinze agriculteurs qui offriront plus », détaille-t-elle. Et d’une commune à une autre, voire à l’intérieur même d’une commune, la terre ne présente pas toujours une qualité identique, suivant l’altitude à laquelle se situe la parcelle, s’il y a des pentes ou non, si la mécanisation est possible ou non, le pâturage des bêtes possible ou non, s’il y a des points des d’eau ou non… « Évaluer une terre n’est pas si évident que ça. Il faut se rendre sur place », poursuit la directrice du service départemental du Puy-de-Dôme Safer.
À Puy-Guillaume par exemple, la situation diffère entre la partie haute et la partie basse du village. « Le pire, ce sont les forêts, entre d’un côté un bois avec du taillis qui a poussé tout seul et une magnifique plantation de résineux bien entretenue. Il faut vraiment aller sur place et, la plupart du temps, c’est ce qu’on fait. »
Un site internet pour référencer les prixLa Safer a également essayé de créer des géomarchés avec des prix hauts et des prix bas pour des territoires qui se ressemblent, même si elle se concentre en priorité sur les surfaces qu’elle va transmettre au prix le plus juste.
La transaction foncière reste le cœur de son métier, afin de poursuivre plusieurs objectifs : la transmission/installation?; la restructuration?; la répartition parcellaire pour faciliter le travail des agriculteurs, avec des échanges ou l’achat de bouts de terrain?; la consolidation, mais aussi la protection de l’environnement et l’accompagnement de porteurs de projet pour vitaliser les territoires (camping, habitat…). Cette dernière mission est moins connue : en effet, les Safer accompagnent aussi plus largement l’économie locale et l’adaptation au changement climatique (eau, biodiversité…).
En 2023, 6.500 notifications de vente ont concerné la ruralité dans le Puy-de-Dôme, donc des transmissions de biens entre vendeurs et acquéreurs hors marché Safer?; 55.000 sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il y en avait eu 6.800 en 2022.
Petites surfaces« Dans le département comme en Isère par exemple, on a beaucoup de petites ventes de quelques centaines de mètres carrés », souligne Anne-Karine Quemener. En 2023, la Safer a réalisé 118 rétrocessions et a transféré environ 925 hectares dans le Puy-de-Dôme. « En Auvergne-Rhône-Alpes, on a fait 1.698 ventes. 13.648 hectares ont été transférés dans le Puy-de-Dôme hors Safer en 2023 », conclut la directrice.
Texte : Gaëlle Chazal
Photos : Francis Campagnoni et Richard Brunel
