“Dans quel piège suis-je encore allée me fourrer ? Pourquoi ai-je accepté d’écrire ce texte alors que je suis intimement convaincue que l’écriture doit répondre à une nécessité, à une obsession intime, à une urgence intérieure ?” Ce texte, c’est une commande pour la collection “Ma nuit au musée” chez Stock : un·e écrivain·e est invité·e à passer une nuit entière enfermé·e dans un musée pour en tirer un livre.
Quand Leïla Slimani en parle à un ami, celui-ci se moque d’elle : “Il n’y a pas plus intéressant pour un écrivain que d’aller dormir dans un musée, franchement ? Les écrivains seraient plus utiles dehors, à raconter le monde, à donner une voix aux gens qu’on n’entend jamais. Je vais être honnête avec toi : cette histoire de nuit au musée, je trouve ça assez snob.” Et si, écrivain·e, c’était aussi l’inverse ? Ecouter sa voix intérieure, la laisser surgir, désirer dès lors l’enfermement, la solitude, comme seules conditions propices à ce surgissement…
Etre avec les autres, être à l’extérieur, être dans la conversation, c’est aussi entendre des phrases toutes faites, des idiomes
Le silence/la parole vaine, la solitude/le masque social, la voix des autres/la sienne loin des clichés du langage, le dehors/le dedans, la doxa/la vérité, c’est ce que Leïla Slimani ne va cesser d’interroger dans ce texte commande qui va atteindre, dans un crescendo tranquille, une puissance et une beauté à couper le souffle, et s’imposer, au fur et à mesure, comme une nécessité, répondant à une obsession intime et à l’urgence intérieure qui fondent le geste littéraire de la romancière et de la femme : “Je voudrais me retirer du monde. Entrer dans mon roman comme on entre dans les ordres. Faire vœu de silence, de modestie, d’entière soumission à mon travail.”