Le Festival international de la photographie culinaire fait escale au château de Valençay, dans l’Indre, demeure du Prince de Talleyrand, où officiait le « roi des cuisiniers et cuisinier des rois », Antonin Carême.
Du noir. La couleur la plus improbable, la plus inattendue en cuisine. Mais le thème de cette 10e édition du Festival international de la photographie culinaire (FIPC), parrainée par le chef Romain Meder, était l’audace.
Alors, Pauline Daniel a orchestré des monochromes noirs, hommage à Pierre Soulages en trois photos : Pancakes au charbon végétal, mûres et myrtilles, Aubergine torréfiée, Spaghetti à l’encre de seiche, seiches marinées, feuilles de sauge et œufs de lompe.
La vision de l'audace en trois photosDans ces images qui lui ont valu le Grand prix du festival, les nuances de noir, relevées d’une pointe d’or patiné, sont sublimées par la composition, le relief, la matière. Comme elle, vingt-quatre photographes ont participé cette année au FIPC, illustrant en trois photos leur vision de l’audace.
Jean-Pierre PJ Stephan, fondateur du festival, devant les trois photos de Pauline Daniel, lauréate du Grand Prix du Festival pour sa Série noire en hommage à Pierre Soulages. Photo Martine Pesez Après le salon de la photo, à Paris, le Chefs world summit (rendez-vous mondial de l’art culinaire), à Monaco, c’est le château de Valençay, dans l’Indre, qui leur sert d’écrin. Bousculée par la crise sanitaire, l’exposition, dont le vernissage avait eu lieu le 14 mars, a été prolongée jusqu’au 11 novembre. Cela fait trois ans que la demeure du Prince de Talleyrand, où officiait en cuisine le talentueux et audacieux Antonin Carême, accueille la manifestation créée par Jean-Pierre PJ Stéphan.
« C’est un honneur pour le festival d’être accueilli ici. Et pour les photographes aussi. On n’a pas tous les jours la possibilité de s’installer dans un si beau cadre?! »
Une partie des photos sont présentées dans une vaste galerie, à l’étage, presque sous le regard de Machiavel, dont le portrait (présumé) trône dans le prolongement, dans la salle Jacques-d’Etampes?; les autres sont accrochées aux murs de pierre du couloir aux murs de pierre qui conduit aux cuisines. Le nom des trophées remis aux lauréats sonne comme un hommage au territoire, puisqu’il s’agit de lentilles d’or, créées cette année par la designer Sylvie Amar. Autre clin d’œil, involontaire mais très apprécié, celui du photographe catalan Francesc Guillamet au fromage de valençay.
« Il l’a choisi parce qu’il le trouvait beau, raconte Jean-Pierre PJ Stéphan. Il aimait bien sa forme pyramidale, sa matière. Quand je l’ai remercié d’avoir choisi un fromage de Valençay, il a été surpris. Il a appelé son fromager, qui le lui a confirmé?! »
« On dit souvent que de l’audace naît l’excellence »
Ainsi est née la Capucine fermière, qui côtoie une Courgette à la c (r) oque et une Carotte Belle-Hélène cueillies chez un producteur de mini-légumes près de Perpignan. Jeux de mots, jeux de matières, jeux de couleurs… « Pour les dix ans, il fallait un thème sur lequel les photographes pouvaient s’éclater. On dit souvent que de l’audace naît l’excellence… Chacun a essayé de se dépasser dans un registre culinaire et artistique. » Certaines photos font saliver, d’autres surprennent ou déconcertent. L’audace est dans la construction, dans le sujet, dans le regard.
Danse du dragon, de Jonathan Thévenet, Grand prix de la photographie de l'alimentation. Photo Pierrick Delobelle
Dans le mouvement suspendu des beignets de crevettes de la Danse du dragon, de Jonathan Thévenet. Dans les légendes ironiques des photos de Claudia Albisser Hund (Oublié, Trop tard, Raté), qui soulignent l’importance de photographier à point. Dans les portraits de Nicolas Ravinaud, qui nous montrent, littéralement, un boulanger dans le pétrin et un chef dans un pot-au-feu. Ou encore dans la sensualité des photos d’Anthony Cottarel… Le catalogue, dont la couverture est l’œuvre de Franck Hamel, photographe officiel de l’édition 2019 du festival, est en vente (15 €) à la boutique du château.
Pratique : Exposition à voir jusqu’au 11 novembre au château de Valençay, tous les jours de 10 à 18 heures en juin et septembre, et de 9?h?30 à 19 heures en juillet et août et de 10?h?30 à 17 heures en octobre et novembre. Entrée : 14 €?; 11 € (tarif réduit), 4,80 € (tarif bout’chou, de 4 à 6 ans).
Martine Pesez
Lentilles d'or 2019 New York Big Apple, de Gilles Auteroche. Photo Pierrick DelobelleGrand Prix du Festival : Pauline Daniel Grand Prix de la Photographie du Patrimoine Gastronomique : Chloé Duloquin Grand Prix de la Photographie de l’Alimentation : Jonathan Thévenet Prix spécial Chefs World Summit : Anthony Cottarel Prix spécial Press Club France : Gilles Auteroche (photo) Prix du public : Caroline Rose