On se posait la question de savoir si Thomas Ruyant, le skipper nordiste de VULNERABLE, avait un problème technique pour expliquer sa 4e place à 568 milles nautiques de Charlie Dalin et 200 milles de Yoann Richomme. En réalité, il n’en est rien, et c’est tant mieux. Sa quatrième place ne lui convient pas du tout, et à l’approche de la mi-parcours, il enclenche une vitesse supplémentaire, bien décidé à revenir sur le trio de tête.
Il lui faut pour cela maintenir un train d’enfer, ce rythme effréné de transat que les leaders actuels du Vendée Globe transposent à l’échelle planétaire. Point de relâchement à attendre du côté de l’infernal trio Dalin- Simon-Richomme. Thomas travaille mille après mille à rehausser son niveau de jeu propre, surenchérir à l’intensité imposée par ses concurrents par encore plus de précision dans ses trajectoires, encore plus de constance dans les hautes vitesses, encore plus de résilience dans l’inconfort de son foiler. Si, à l’approche de l’Océan Pacifique, une certaine routine s’installe dans la vie solitaire du marin de VULNERABLE, son cerveau turbine à toute allure, pour négocier à compter d’aujourd’hui une dorsale version passage à niveau, qui pourrait se refermer tout juste derrière lui ! Pas de temps à lambiner ! Thomas doit aussi se projeter vers cet Océan Pacifique et en décrypter l’immensité pour trouver moyen de se rapprocher du triumvirat de tête.
Il partage avec nous son quotidien pas toujours facile, naviguant dans une mer déchaînée et sous un ciel gris. Mais quand le bleu du ciel fait son apparition, que vient le moment d’ouvrir son sachet du jour avec ses surprises – un petit gin ou une photo de sa chérie – c’est déjà Noël pour lui ! Et on le comprend.
Thomas Ruyant : « Une dorsale se présente à nous, dans laquelle il devrait y avoir encore suffisamment de vent pour me permettre de passer. Je regarde avec précision le meilleur endroit pour la franchir sans y laisser trop de plumes. J’espère qu’elle ralentira aussi les leaders, mais elle pourrait engluer mes poursuivants immédiats. Il ne faut pas lambiner pour passer du bon côté de la zone de haute pression. »
« On tient depuis le départ un rythme de transat. Personne ne lève le pied. On a vraiment basculé dans une autre dimension de notre sport, avec des bateaux parfaitement préparés et qui encaissent des conditions de mer terribles. Avec des skippers en régate, opportunistes et qui ne lâchent rien. J’ai eu du mal à tenir Yoann, qui a dû avoir de meilleurs angles que moi. Il est bien en phase avec les bascules. Avec cette fin d’Océan Indien, je commence juste à être moi aussi en phase avec les variations du vent. Tout le monde maitrise parfaitement nos nouveaux foilers. On expérimente vraiment quelque chose de nouveau avec ces longues trajectoires à très hautes vitesses sur une mer pourtant infernale. Le niveau de compétition est impressionnant. »
Cette 4ème place m’énerve : « Je suis désormais bien dans mon rythme de vie, à l’aise avec le bateau, avec une bonne gestion de mon VULNERABLE et de moi-même. Il ne faut rien remettre au lendemain, traiter les petits soucis techniques dès qu’ils se présentent. C’est ainsi que je peux profiter, après 32 jours intenses, d’un bateau à 100%. Je suis heureux en mer. Seule cette 4ème place me titille, m’exaspère et je cogite à y remédier. Je m’inscris dans cette logique de hautes vitesses moyennes sur le long terme. Le Pacifique n’offre pas dans l’immédiat de possibilités de recoller franchement. C’est donc petit à petit, en allant vite tout le temps, régulièrement et au bon endroit que j’espère grappiller des milles, dans l’attente de plus franches opportunités dans la seconde moitié du parcours. »