"Il y a trois choses que je reconnais : d'abord le fait que j'étais vraiment radicalisé (...) Deuxièmement, le fait d'avoir échangé avec des personnes radicalisées notamment sur zone (irako-syrienne) et d'avoir pu conforter Anzorov. Enfin, le fait d'avoir envisagé de faire le jihad en Tchétchénie", a dit le jeune homme à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris.
"Je reconnais ma culpabilité, j'ai extrêmement honte", a-t-il insisté.
Ismaïl Gamaev a, selon l'accusation, "participé activement", avec Abdoullakh Anzorov et Louqmane Ingar, un autre accusé, à un groupe Snapchat échangeant, de manière anonyme et cryptée, des messages à contenus jihadistes.
Le jeune Tchétchène - comme Anzorov - a publié des smileys souriants après la diffusion sur son groupe Snapchat, baptisé "Etudiants en médecine", de la tête décapitée de l'enseignant.
Quand tous les autres accusés nient sans nuance les faits qui leur sont reprochés, Ismaïl Gamaev qui comparait libre, sous contrôle judiciaire après 30 mois de détention provisoire, reconnaît tout et n'a pas de mots assez durs pour dénoncer ce qu'il a été et qu'il ne veut plus être.
Le visage poupin malgré un soupçon de barbe, en gabardine kaki, s'exprimant de façon saccadée, le jeune homme a raconté à la barre sa radicalisation ultra rapide.
Il y avait "un terrain propice, un terreau fertile", reconnait le jeune homme issu d'une famille sunnite arrivée clandestinement de Russie en 2003, alors qu'il est âgé d'un an. La séparation de ses parents, en 2018, est vécue comme un drame.
"Comme je n'avais pas de famille, je cherchais à me sociabiliser ailleurs", dit-il. "On discute avec des gens. On est dans des groupes. On se nourrit de contenus comme des photos, des vidéos" de la sphère jihadiste et salafiste, poursuit-il.
Il se rappelle s'être abonné au compte Twitter d'Anzorov. "Il a vu certains de mes tweets, ça lui a plu", explique l'accusé.
"Anzorov disait qu'il voulait partir en Afghanistan, puis en Syrie", dit-il.
"J'ai causé du tort"
Gamaev date sa radicalisation de juin 2020. "A l'époque, c'était comme si le seul phare de ma vie, c'était la religion (...) Plus on se radicalise, plus la personne en nous disparaît. On n'est plus maître de soi-même", dit-il face à la cour.
L'assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020 le décille.
Contrairement aux autres accusés, il assume son entière responsabilité dans cette tragédie, même s'il dit qu'il a ignoré jusqu'au bout le projet mortifère d'Anzorov.
"J'ai honte, j'ai très, très honte. C'est la chose dont j'ai le plus honte dans ma vie. J'ai causé du tort à ce prof", reconnaît-il, sans pouvoir retenir ses larmes.
"Tout ce qui est lié à la religion, j'ai complètement abandonné. Aujourd'hui, je n'arrive plus à croire en Dieu", dit-il. "Je ne laisserai plus la religion ou mes parents guider ma vie".
Et si le commanditaire de l'assassinat de Samuel Paty était Faruq Shami, un recruteur du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui vient de mettre fin au pouvoir de Bachar al-Assad en Syrie?, l'interrogent les avocats du prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, Colomba Grossi et Ouadie Elhamamouchi.
"Je ne saurai pas vous dire", répond l'accusé.
L'enquête a révélé qu'en septembre 2020, un mois avant l'attentat, Anzorov était en contact avec deux combattants islamistes du HTS dont Faruq Shami, de son vrai nom Farruck Fazymatov, russophone comme Anzorov.
Le 13 septembre 2020, Faruq Shami avait diffusé un message sur Instagram demandant "aux frères qui se trouvent en Europe, surtout ceux qui se trouvent en France" de réagir contre la republication des caricatures de Charlie Hebdo.
Après son crime, Anzorov a envoyé un message à Shami - et à beaucoup d'autres - pour lui dire : "J'ai décapité le prof".
L'interrogatoire des derniers accusés doit se poursuivre mercredi et jeudi avant les premières plaidoiries des parties civiles.
Verdict attendu le 20 décembre.