Signe que la situation est grave, le chef de l'Etat est brièvement sorti mercredi de la réserve qu'il s'imposait en Conseil des ministres sur la politique nationale depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon. "Il a rappelé l'importance de rester +groupés+", rapporte une participante.
Déjà depuis sa tournée en Amérique latine, la semaine dernière, il avait prôné "la stabilité" face au risque grandissant de censure du gouvernement, qui pourrait tomber avant Noël si la gauche et le Rassemblement national additionnent leurs voix pour contester son budget.
D'après plusieurs de ses interlocuteurs, le président en est d'ailleurs convaincu: le parti d'extrême droite peut mettre sa menace à exécution.
"Il pense que Barnier va chuter", assure un proche. "Il dit que s'il était à la place de Marine Le Pen, il ne validerait pas un budget impopulaire", abonde un autre visiteur régulier du palais.
Mais alors que les marchés financiers commencent à s'alarmer, le sujet est ultrasensible. Fait rarissime, l'Elysée a démenti sur son compte X, mardi, des informations du Parisien selon lesquelles Emmanuel Macron aurait prédit que le gouvernement allait "tomber (...) plus tôt qu'on ne le pense" -- un compte-rendu aussitôt maintenu par le quotidien.
"Le président de la République n'est pas un commentateur de l'actualité", ont martelé ses services.
Le problème, c'est qu'il n'en est plus un acteur non plus, sur la scène intérieure, depuis qu'il a dissous l'Assemblée nationale et perdu les législatives.
Appels à la démission
Dans son camp, certains font état d'un "petit coup de déprime" présidentielle, d'autres d'un "spleen" post-électoral qui s'est dissipé avec les Jeux olympiques, quand la plupart décrivent un chef de l'Etat "combatif", toujours prêt à "rebondir" dès qu'il aura "retrouvé un peu de jeu de jambes".
De là à penser qu'il peut trouver un intérêt personnel dans une crise politique? Une censure, et c'est Emmanuel Macron qui se retrouve au centre du jeu, lui qui conserve le pouvoir de nomination du Premier ministre.
"Ce n'est pas ce qu'il cherche, mais c'est un président d'opportunités. S'il y a une opportunité, il la saisit", glisse un proche. "Si Barnier tombe, ça peut être l'occasion qui fait le larron."
Le visiteur régulier de l'Elysée estime aussi qu'il "y a deux trucs dans son cerveau qui s'opposent: le cerveau rationnel qui veut que Barnier dure, mais aussi une autre partie qui voit le coup à jouer s'il tombe".
D'autant qu'entre le président et son chef du gouvernement, le courant passe mal, à en croire nombre de macronistes pour qui le premier reproche au second de "remettre en cause sa politique économique".
Mais espérer revenir sur le devant de la scène de telle sorte est à double tranchant, car le chef de l'Etat, par sa dissolution controversée et la nomination de Michel Barnier après une longue période d'indécision, est aussi jugé responsable de l'impasse actuelle par les oppositions, une bonne partie de l'opinion, et une frange de ses propres soutiens.
"L'ombre d'Emmanuel Macron est présente en permanence, avec sûrement des grenades dégoupillées que l'on voit régulièrement rouler sous les pieds du Premier ministre", a commenté mercredi le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner.
Il n'est pas assuré, en outre, qu'il trouve cette fois la martingale, à savoir un gouvernement susceptible de faire adopter un budget et de tenir plus que quelques semaines.
Surtout, une crise institutionnelle, doublée éventuellement d'une crise financière, pourrait relancer les appels à sa démission.
Mercredi, coup sur coup, le rapporteur général du budget à l'Assemblée, le centriste Charles de Courson, et le maire Les Républicains de Meaux Jean-François Copé ont plaidé pour un départ d'Emmanuel Macron afin de sortir du "chaos politique" qu'il a "déclenché", pour citer le premier.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 63% des Français interrogés estiment aussi que le président devrait démissionner si le gouvernement était censuré.
"Vous verrez bientôt des responsables macronistes demander le départ d'Emmanuel Macron", prédit le député La France insoumise Paul Vannier.