Le nom de Scott Bessent est venu s’ajouter au trombinoscope de l’administration Trump, dévoilé au compte-goutte ces dernières semaines. Ce dirigeant de fonds spéculatif, qui a par le passé travaillé avec le milliardaire George Soros, succèdera à Janet Yellen au poste stratégique de secrétaire au Trésor. Sa mission ? Ni plus ni moins qu’aider Donald Trump à "lancer un nouvel âge d’or pour les Etats-Unis", selon les mots du président élu.
Plus concrètement, Scott Bessent résume sa doctrine par un "plan 3-3-3" : il ambitionne de réduire le déficit public à 3 % du PIB, d’atteindre 3 % de croissance et d’augmenter de la production de pétrole de 3 millions de barils par jour. Il plaide aussi pour une approche plus modérée sur les barrières douanières, ce qui l’obligera à composer avec une vision plus agressive, notamment envers la Chine, d’une partie de l’administration. En fin de compte, sa nomination témoigne d’une volonté de Donald Trump d’être pragmatique sur le volet économique, explique à l’Express Samy Chaar, chef économiste chez Lombard Odier.
L’Express : Selon vous, qu’est ce qui a fait pencher la balance en faveur de Scott Bessent pour ce poste convoité ?
Samy Chaar : La priorité de Donald Trump était de nommer quelqu’un qui serait bien reçu par les marchés. Scott Bessent est une personnalité publique, connue des investisseurs, et qui a souvent émis ses avis sur la situation financière. Sa nomination paraît donc être un choix plutôt raisonnable. D’autant plus que pour mettre en œuvre sa politique, Donald Trump avait besoin de quelqu’un de pragmatique, ce que l’on peut complètement dire de Scott Bessent. On l’a vu dans sa carrière, autant dans son hedge fund que dans son travail avec George Soros. C’est donc peut-être son pragmatisme qui lui a permis de l’emporter.
Cela dit, les autres options étaient aussi crédibles et quelque part toutes aussi conventionnelles. La candidature de Kevin Warsh, qui a été gouverneur à la Réserve fédérale entre 2006 et 2011, a notamment été étudiée. Finalement, Donald Trump a fait un choix qu’un démocrate aurait pu faire pour le Trésor. Pour le reste, pas du tout.
Les prises de position de Scott Bessent semblent plus mesurées que celles d’autres membres de l’administration. Quels pourraient être les défis de sa collaboration avec le reste de l’équipe ?
On sentait bien qu’il y avait deux logiques dans la formation de cette administration : sur le volet identitaire, de la sécurité ou du commerce, Donald Trump était dans une approche sans compromis, où il a poussé pour des personnalités très "MAGA" [NDLR : Make America Great Again]. En revanche, pour les questions liées aux affaires et à l’économie, il allait probablement agir en continuité avec son premier mandat et choisir quelqu’un proche des marchés financiers. En 2017, il avait déjà nommé Steven Mnuchin, qui venait de Goldman Sachs.
Un défi majeur pour Scott Bessent va être de s’entendre avec Howard Lutnick, en charge du commerce international. Ce dernier semble avoir une approche beaucoup plus dogmatique et plus dure, alors que Scott Bessent semble plus transactionnel et pragmatique, notamment sur la question des droits de douane et de la relation avec la Chine. Comment vont-ils réussir à interagir ? Est-ce que Scott Bessent va être forcé à durcir son discours et sa politique ? Ou au contraire, est-ce que Donald Trump sera à l’aise avec un système de "good cop, bad cop", où l’on pourrait imaginer Scott Bessent dans le premier rôle et Howard Lutnick dans le second. Ils pourraient aussi s’entendre pour essayer d’optimiser les accords commerciaux avec la Chine et avec certains pays européens.
Si les tarifs douaniers sont surtout utilisés comme moyen de pression, dans une logique transactionnelle, ils ne constitueraient pas une source de recettes aussi importante qu’annoncé. Quel serait le plan de Scott Bessent pour compenser cela ?
L’idée de Scott Bessent est plutôt de promouvoir la croissance avec un objectif affiché de 3 %, de donner du pouvoir d’achat aux Américains, en produisant beaucoup de pétrole (3 millions de barils par jour en plus), ce qui permettrait de faire baisser les prix de l’énergie. Cela libérerait du pouvoir d’achat aux Américains en leur permettant d’avoir plus de revenus, provenant non pas des tarifs mais de la croissance nominale.
Une partie des politiques de Donald Trump est potentiellement inflationniste, notamment les tarifs, l’immigration et le fait de mettre de la vélocité dans l’économie. Mais d’un autre côté, il y a un argument pour dire que l’inflation globale pourrait être maîtrisée, à travers cette baisse du prix du pétrole.
Le président élu a énuméré plusieurs dossiers qu’il voudrait traiter lors de son "premier jour" à la Maison-Blanche. Quels pourraient être les sujets prioritaires de Scott Bessent ?
La question des tarifs douaniers va rapidement arriver sur le devant de la scène. Scott Bessent devra aussi s’atteler à l’élaboration du budget et essayer de faire passer la loi fiscale. Il aura l’objectif d’étendre, voire d’accroître, les baisses d’impôt du premier mandat Trump, qui arrivent à échéance fin 2025. Dans tous les cas, il va falloir négocier tout cela rapidement.