Les liens historiques et humains qui unissent la France à l’Algérie font souvent sous-estimer la nature dictatoriale du régime politique qui la dirige. L’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal en est encore la triste confirmation : l’Algérie est une nation en pleine dérive qui ne tient sa population qu’en désignant des boucs-émissaires étrangers et en maniant le bâton avec les récalcitrants.
Il n’est d’ailleurs qu’à lire la presse officielle algérienne pour s’en convaincre. Dans un communiqué d’une rare virulence, au ton semblable à ce que l’on pourrait trouver dans des régimes aussi aimables que la Corée-du-Nord, l’Agence Presse Service écrit à propos des réactions françaises à la détention arbitraire de l’écrivain binational : « la France prend la défense d’un négationniste, qui remet en cause l’existence, l’indépendance, l’Histoire, la souveraineté et les frontières de l’Algérie ».
En cause, les propos tenus par Boualem Sansal au média Frontières. Il a notamment déclaré : « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcem, Oran et même jusqu’à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume. » Ce propos historiquement exact est jugé « négationniste » dans une Algérie où l’histoire est mythifiée et abondamment utilisée pour souder la population.
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Le caractère obsidional du régime créé par le FLN s’exprime notamment à l’égard de la France, des juifs, mais aussi du Maroc. La monarchie voisine est régulièrement vilipendée dans les médias algériens, jalousée aussi. Il ne fait donc guère de doutes que les propos de Monsieur Sansal sur la souveraineté marocaine dans la région du Sahara ont dû profondément énerver les autorités militaires algériennes, lesquelles soutiennent les séparatistes armés du Front Polisario depuis de nombreuses années.
De plus, le récent basculement de la France en faveur du plan d’autonomie marocain au Sahara a laissé un goût amer dans la bouche d’Alger. Vu comme un traître, Boualem Sansal est aussi un combattant inlassable des dérives islamistes qu’il a observées dans son pays d’origine, traumatisé comme tant d’autres par la guerre civile des années 1990 et les terroristes du GIA.
Boualem Sansal est désormais dans une situation particulièrement périlleuse. Son arrestation politique pouvant conduire à la mise en œuvre de poursuites pour « atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du pays » et « incitation à la division du pays ». Des motifs passibles de prison ferme en Algérie. Ces méthodes, visant un homme qui a récemment acquis la nationalité française, s’apparentent à celles des régimes totalitaires.
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Elles font de l’Algérie un pays qui devrait horrifier nombre de belles âmes bien françaises. On est pourtant bien en peine de trouver des réactions venant d’une grande partie de la gauche, souvent complaisante à l’égard d’Alger. Comme l’explique l’essayiste Fatiha Agag-Boudjahlat à La Dépêche du Midi : « Le Printemps arabe n’a qu’effleuré l’Algérie, l’Etat usant à la fois de brutalité et de clientélisme à coup de pétro et de gazodollars pour vite replonger son peuple dans l’apathie et la neurasthénie. Tout le monde le sait. Les Algériens le savent. Il n’y a guère que les immigrés et surtout leurs enfants en France pour chanter les louanges de l’Algérie en se gardant bien d’y vivre, de s’y faire soigner ou de s’y instruire. »
En manifestant clairement son intérêt à l’alliance marocaine, la France a dévoilé le fond de la pensée d’Alger. Revancharde et passéiste, l’Algérie de Monsieur Tebboune ne prend pas le chemin du progrès. Il est temps de lui rappeler qu’un dialogue se construit à deux et sûrement pas par le chantage.
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