Après des semaines de suspens et d’imbroglio, le Vatican a finalement confirmé la visite du pape François à Ajaccio le 15 décembre prochain. C’est le troisième déplacement du souverain pontife sur le territoire français - après Strasbourg en 2014 et Marseille en 2023 - et une grande première pour la Corse, qui n’a jamais reçu la visite d’un pape.
Sur le papier, il se rend à Ajaccio pour assister à un colloque sur "la religiosité populaire en Méditerranée". Dans les faits, le choix du pape François est comme toujours lourd de sens, alors qu’il ne se rendra pas à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris le week-end des 7 et 8 décembre. Il avait pourtant été invité par Emmanuel Macron lui-même à venir assister à cet événement historique, cinq ans et une rénovation colossale après la catastrophe. Une annonce d’abord interprétée comme un camouflet par l’Etat français.
Mais l’invitation était davantage symbolique, a depuis dédramatisé le président de la Conférence des Evêques de France, Monseigneur Eric Moulin de Beaufort, qui a assuré le 10 novembre, lors de la clôture de l’assemblée plénière à Lourdes, qu’il n’avait "jamais vraiment été question" que le pape soit présent, le projecteur de la cérémonie risquant d’être détourné de Notre-Dame par sa venue. Le chef de l’Eglise sera tout de même accueilli par le chef de l’Etat, qui se rendra sur l’île de beauté pour le rencontrer le 15 décembre en fin d’après-midi.
Depuis le début de son règne, le pape Jorge Mario Bergoglio favorise largement les événements dans les zones qu’il nomme lui-même les "périphéries" de l’Eglise, (notamment dans le bassin méditerranéen, en Afrique ou en Asie) et les cérémonies populaires plutôt que les rassemblements d’élites catholiques. Une habitude "d’aller plutôt là où ses prédécesseurs ne sont pas tellement venus", explique à l'AFP l’archevêque de Paris Laurent Ulrich, c’est-à-dire "dans les petits pays, où il y a peu de chrétiens" ou dans ceux "où il y a des situations difficiles de guerre ou de tensions". Lors de sa venue à Marseille en septembre 2023, François avait lancé un vibrant appel en faveur des migrants.
Plusieurs semaines après que l’information de sa venue a fuité dans la presse en octobre, cette confirmation officielle vient finalement mettre fin à un suspens qui n’en était plus vraiment un. Une délégation vaticane dirigée par le non apostolique Celestino Migliori était venue dès le 15 novembre évaluer la sécurité des lieux. Et un programme avait été concocté puis transmis dès le week-end suivant au Vatican par "les membres des services de l’Etat, du diocèse d’Ajaccio, de la municipalité" pour validation, selon le journal Le Monde. A l’origine de cette visite inédite, le Cardinal corse Monseigneur François Bustillo, homme fort du diocèse à 56 ans, connu pour avoir développé un lien privilégié avec le chef du Vatican depuis sa nomination en septembre 2023.
Après son arrivée par avion, la matinée du pape débutera par un discours de conclusion devant le colloque international sur "la piété populaire dans le bassin méditerranéen". Moment culminant de la visite, il célébrera ensuite une messe en plein air depuis l’esplanade arborée du Casone. Au moins 100 000 fidèles venus des quatre coins de cette île particulièrement croyante sont attendus ce 15 décembre dans la ville, qui viendront remplir l’esplanade pouvant accueillir jusqu’à 8 000 fidèles et les deux fan-zones dotées d’écrans géants qui seront installées dans la ville. Il est prévu que le pape les visite pour être au contact des fidèles durant la journée, et fasse une halte au Palais des Congrès, sur le parvis de la mairie et potentiellement dans la cathédrale d’Ajaccio.
Le tout constitue un véritable défi logistique pour l’équipe municipale d’Ajaccio et tous ses partenaires, qui ont déjà accueilli cet été le passage de la flemme olympique. Un système d’inscription gratuite mais obligatoire sera mise en place pour des raisons de sécurité, et la ville sera fermée aux non-résidents. Des journalistes nationaux et internationaux sont attendus par dizaines et des touristes par milliers, ainsi que des élus comme les maires de Marseille, Benoît Payan (divers gauche), et de Nice, Christian Estrosi, et des élus italiens. Même le flux aérien de l’aéroport Ajaccio-Napoléon-Bonaparte devra être adapté à un trafic aussi inhabituel.
Une visite dont la facture pourrait avoisiner les 2 millions d’euros, entièrement à la charge du diocèse d’Ajaccio. Certaines entreprises locales, comme les magasins Leclerc (250 000 euros) ou la compagnie maritime Corsica Linea (100 000) devraient faire des dons considérables, selon les sources du Monde. Le Cardinal corse Monseigneur François Bustillo a par ailleurs lancé un appel aux dons et aux bénévoles.