Outre-Atlantique, sa nomination avait été commentée, mais son retrait l’est aujourd’hui encore plus. Matt Gaetz, sulfureux élu républicain de Floride à la Chambre des représentants, avait été nommé le 13 novembre dernier comme futur ministre de la Justice par Donald Trump, de nouveau élu président des États-Unis au début du mois. Jeudi, le responsable a fait savoir qu’il renonçait à ce poste, quelques jours seulement après cette annonce. La raison ? De fortes critiques, y compris au sein du camp républicain, sur la pertinence de son profil pour occuper une telle fonction. Ces derniers jours, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer son manque d’expérience dans le domaine judiciaire. Surtout, les allégations de faits présumés d’infractions sexuelles et de consommation de stupéfiants à son encontre, notamment l’accusation d’avoir eu un rapport sexuel avec une jeune fille de 17 ans, ont encore plus fragilisé sa place.
"Malgré une forte dynamique, il est clair que la confirmation de ma nomination était injustement en train de devenir une diversion par rapport à la tâche cruciale de l’équipe de transition Trump/Vance", a-t-il donc déclaré sur le réseau social X jeudi. La veille, il avait passé la journée en réunion à tenter de convaincre les sénateurs républicains de confirmer sa désignation comme futur Attorney General, en compagnie du vice-président élu, J.D. Vance. Sans succès. "Durant ses quatre mandats à la Chambre des représentants, les tactiques politiciennes explosives de Matt Gaetz ont rendu fou de nombreux élus de son propre parti, dont des sénateurs, qui avaient accueilli sa nomination comme ministre de la Justice avec scepticisme", appuie le site web de CNN, dans un long papier sur les coulisses de ce retrait.
I had excellent meetings with Senators yesterday. I appreciate their thoughtful feedback - and the incredible support of so many. While the momentum was strong, it is clear that my confirmation was unfairly becoming a distraction to the critical work of the Trump/Vance…
— Matt Gaetz (@mattgaetz) November 21, 2024
De manière générale, les différents titres de presse américaine s’accordent pour considérer cet épisode comme l’une des premières déconvenues pour la future administration de Donald Trump. Pour le Washington Post, il s’agit là d’un "revers de taille" pour le milliardaire républicain. "C’est aussi un signe que les institutions – ou au moins certains de leurs membres – peuvent se dresser contre lui, et une remarquable preuve qu’il pourra y avoir une série de batailles entre le président élu et son propre parti", estime le quotidien basé dans la capitale américaine. "Donald Trump fait face à un brutal retour à la réalité", résume pour sa part Politico, qui souligne que "des questions demeurent sur la manière dont Donald Trump a laissé intervenir ce revers".
Pour certains médias, le retrait de Matt Gaetz pourrait amorcer le début d’une période plus difficile politiquement que ce que le président élu avait prévu, lui qui a multiplié depuis sa victoire les nominations de ministres à la réputation controversée, comme Robert Kennedy Jr. à la Santé ou Tulsi Gabbard à la direction du renseignement. L’incident "marque un moment important pour définir la marge de manœuvre du pouvoir de Donald Trump lors ce second mandat, alors que le Congrès et la Cour Suprême lui sont désormais plus favorables que durant son premier passage" à la Maison-Blanche, note le Los Angeles Times. Après son élection en 2016, "sa mainmise sur le Parti républicain n’en était alors qu’à ses premières étapes", rappelle le journal californien.
Le New York Times se montre lui aussi particulièrement critique après la séquence de la nomination, puis du retrait, de l’ex-représentant de Floride. "L’effondrement de la candidature de Matt Gaetz […] apparaît comme l’échec le plus rapide de l’histoire moderne pour un cabinet ministériel, dévoilant la manière hasardeuse dont Donald Trump a composé sa nouvelle administration", tacle l’historique quotidien de la côte est. Revenant sur cette première débâcle connue par le nouveau président américain, le titre regrette le manque de "vérification" par rapport au profil de Matt Gaetz, nommé "presque sur un caprice" par Donald Trump.
Ce premier retour en arrière peut-il présager des difficultés pour les autres personnalités nommées depuis la victoire du candidat républicain face à Kamala Harris ? Le Washington Post met en avant une autre hypothèse intéressante. "Une théorie pourrait être que Matt Gaetz soit potentiellement un cheval de Troie. Tant son comportement était inacceptable, sa nomination pourrait avoir été présentée pour être rejetée, et ainsi rendre plus acceptables les autres nominations de Trump, notamment celle du ministre de la Justice qui le remplacera", analyse le journaliste Aaron Blake dans son article.
Donald Trump n’a d’ailleurs pas tardé à trouver une remplaçante à Matt Gaetz à la tête du ministère de la Justice. L’ex-procureure générale de Floride, Pam Bondi, au CV malgré tout moins clivant que Matt Gaetz, a été choisie pour le poste. Comme trois autres juristes toujours nommés au sein de cette administration, elle avait intégré l’équipe d’avocats qui avait défendu l’homme d’affaires dans le cadre du procès en destitution qui lui avait été intenté au Sénat en 2020.