Cette baignade matinale dans l’Allier a donné le ton des Fêtes Napoléon III, samedi. Une quinzième édition qui tombe en pleine année olympique. En nageant dans l’Allier en compagnie de sa cour, le couple impérial, à l’origine de l’essor thermal de Vichy, a ainsi rappelé que le Second Empire avait été marqué par l’éclosion des loisirs en général et du sport en particulier.Il suffisait de se promener dans l’Imperial Park pour s’en rendre compte. Et de croiser notamment François Meillan sur son vélocipède à corps droit. Avec son cadre en fonte et ses pédales disposées à l’avant, sur une roue de charrette au cerclage en fer enveloppée d’une couche de caoutchouc, cette draisienne améliorée demande une certaine dextérité pour se lancer.
La première course d'endurance cyclistea vu le jour sous Napoléon IIIIl faut dire qu’à cette époque, le vélo n’est pas encore un moyen de locomotion, mais un sport pratiqué par la haute société. « C’était plutôt réservé à ce qu’on appelle les CSP + », s’amuse ce passionné venu de Toulouse, qui rappelle que la première course cycliste d’endurance, Paris-Rouen, date de 1869. « Elle avait été créée par le Vélocipède illustré (une revue bimensuelle), en collaboration avec la Compagnie parisienne, fabricant de bicyclettes », précise François Meillan.
Dans le Second Empire, les classes privilégiées prennent l’habitude de passer l’été en villégiature. Dans les stations balnéaires, le sport et les loisirs rythment les journées. Parmi les activités prisées de l’aristocratie, la danse est le seul exercice physique accordé à ces dames (avec l’équitation). L’apprentissage des danses de couple comme la polka, le quadrille ou la mazurka est donc inculqué aux jeunes filles de bonnes familles comme un art de vivre indispensable à leur évolution en société.
La danse, « c’est physique, artistique et intellectuel »Yannick, 61 ans, et Josée, 45 ans, sont toutes deux adhérentes de l’association Carnet de bal. Initiées aux danses du XIXe siècle, elles bénéficiaient, hier, comme plusieurs dizaines de participants, d’un cours donné par les danseurs les plus chevronnés de l’association, au hall des Sources. Et en costume d’époque, s’il vous plaît. Un cours qui, encore plus que pour les danses modernes, nécessitait cardio et endurance. « C’est physique, artistique et intellectuel. Certaines danses sont très rapides et il faut non seulement retenir les pas, mais également bouger avec une robe, ce qui rend la chose encore plus compliquée. » Le corset qui serre, la crinoline qui embellit le mouvement mais le rend difficile à effectuer, les couches de vêtements qui tiennent chaud… La danse historique est un sport pour les plus aguerris, qui possède même, de nos jours, son championnat de France.Tout comme la canne combat a le sien. Gilles Mathiaut, moniteur de la discipline au Stade Clermontois, a dévoilé aux visiteurs du parc Napoléon III quelques bottes secrètes nées au Second Empire, quand les sujets de sa majesté impériale n’avaient plus le droit de porter l’épée en société. « La canne, qui était autant un ustensile pratique pour marcher dans les rues pavées qu’un accessoire de mode, ornementé et ouvragé, est devenue aussi un moyen de se défendre », observe le moniteur de combat. Sans le tranchant et le pointu de l’épée, la technique évolue, privilégiant les coups contondants aux coups d’estoc, qui ont toujours cours dans les clubs d’escrime.
La pratique sportive va finir par se démocratiserMoins belliqueux et plus ludique, le croquet a également diverti le public du parc impérial de Vichy. Héritage du jeu du mail, très en vogue sous Louis XIV, ce loisir, qui consiste à faire passer des boules en bois à travers des arceaux à l’aide d’un maillet, est pratiqué sur gazon, donc, encore une fois, par l’aristocratie propriétaire de jardins. « Autant en Angleterre c’est un sport qui s’est démocratisé, autant en France c’est resté une activité pratiquée par la haute société », explique Sylvie Pessin, de la communauté Aristogame, spécialiste des reconstitutions historiques. Le Second Empire est également marqué par la diffusion des idées hygiénistes, selon lesquelles l’activité physique permet de lutter contre la diffusion des épidémies et « la dégénérescence des populations ».
La gymnastique va ainsi se développer, notamment sous l’impulsion des militaires, ainsi que le patinage et même l’alpinisme. La pratique sportive gagnera ensuite toutes les couches sociales. Car, comme le mentionne l’exposition aménagée dans la galerie Arlequin du palais des Congrès, le sport cessera finalement, au fil des décennies, d’être l’apanage des classes supérieures.
Olivier Rezel et Sandrine Gras.