Deux albums en 2023, un à venir en 2024… Alors qu’il approche les 60 ans, Moby est plus productif que jamais. Les vétérans de la génération “rave” se souviennent encore avec émoi de la déflagration causée par son single Go, en 1991.Quelques années plus tard, en 1999, le grand public a découvert une facette plus mélancolique de son travail avec Play, mélange entre l’électro de pointe et les chants antiques du blues et du gospel.
Vingt-cinq ans plus tard, Moby n’a pas renoncé à sa quête de LA voix ultime. Son nouvel album, Always Centered at Night, met en valeur treize vocalistes de grand talent, mais pas forcément très connus, mais qui illuminent ce disque aux ambiances nocturnes.
Cet album donne l’impression d’un retour aux sources de l’électro, après des expérimentations avec le jazz ou la musique classique.C’est juste la poursuite de mon histoire d’amour avec la voix humaine. Quand j’étais très jeune, vers 8 ou 9 ans, je rêvais d’être le nouveau David Bowie. Plus tard, quand j’ai commencé à jouer dans des groupes, j’ai découvert que je n’étais pas un grand chanteur. Depuis trente-cinq ans, mon obsession est de trouver des belles voix.
On sent une certaine nostalgie ici…Certainement. Je me remémore le début des années 80, à New York. La musique était très éclectique. On pouvait tout écouter : Grace Jones, Manu Dibango, New Order… Il n’y avait pas de frontières, pas de genres prédéfinis.
Qu’est-ce qu’une grande voix ?
"La technique est importante, mais ce n’est pas tout. Certains chanteurs ont une belle voix, mais elle est ennuyeuse. D’un autre côté, quand j’écoute Billie Holiday, ou même Neil Young, j’entends des artistes qui expriment ce qu’est la condition humaine. La pop essaye de camoufler l’imperfection de l’être humain, c’est trop standardisé. Les belles voix communiquent la vulnérabilité".
Cela va à contrecourant de la tendance actuelle qui fait recourir à l’utilisation de logiciels comme Auto-Tune.Pourquoi faire disparaître l’humain derrière des logiciels d’intelligence artificielle ? J’écoute beaucoup de musique moderne, et j’y recherche toujours la beauté et l’émotion. Où est-elle ?
Comment trouver l’équilibre entre le besoin de technologie et celui de conserver l’aspect humain de la musique ?Le public s’habitue à un certain type de production, et tout finit par sonner pareil. Il faut trouver les aspects qui nous semblent intéressants et ignorer le reste.
Votre parcours est marqué par une grande diversité. Vous avez pratiqué des styles très différents.L’auteur de science-fiction Ray Bradbury disait en substance : "Dès le plus jeune âge, il faut apprendre à tout faire". Musicalement, je n’ai jamais compris pourquoi des artistes se spécialisent dans un seul genre.
C’est votre 22e album. Qu’est-ce qui vous motive encore ?Honnêtement, je travaille sur de la musique tous les jours. Je ne prends jamais de jour de congé. J’aime ce que je fais, donc je n’ai pas l’impression de bosser.
Vous ne croyez donc pas à l’inspiration, mais au travail ?Oui, je préfère passer une journée à enregistrer dans un studio sans aboutir à quelque chose de correct plutôt que de passer mon temps à ne rien faire. Ça finit toujours par payer. Par exemple, mon tube Why Does My Heart Feel So Bad ? a commencé comme un morceau de techno vraiment médiocre. Des années plus tard, je l’ai retravaillé, et voilà…
Beaucoup de vos fans pensent que votre album parfait est Play, qui s’est vendu à 12 millions d’exemplaires. Êtes-vous du même avis ?Cet album est rempli d’erreurs. Certains titres ont été enregistrés sur des vieilles cassettes. Je n’imaginais pas qu’il aurait autant de succès. Mais ce sont ses défauts qui le rendent intéressant.
Vous détestez partir en tournée, mais vous allez donner des concerts en septembre. Avez-vous changé d’avis ?Tous les profits de la tournée iront à des associations défendant les droits des animaux. Je vais personnellement perdre de l’argent !
Nouvel album. Always Centered at Night, 15 € (CD) ou 28 € (vinyle). Concert au Zénith de Paris le 24 septembre. 2024. Complet.
Rémi Bonnet