Les centres de contrôle technique vont-ils se heurter à une pénurie de main-d’œuvre ? Plusieurs patrons du Puy-de-Dôme s’inquiètent face à un recrutement de plus en plus compliqué.
L’une des premières raisons, c’est l’augmentation du niveau d’étude requis pour devenir contrôleur. Avant 2018, un CAP mécanicien suffisait. Aujourd’hui, il faut être titulaire d’un bac pro dans un métier de l’automobile puis suivre une formation spécifique pour décrocher son agrément.
La barre est placée un petit peu trop haut. C’est un métier qui demande des capacités et des qualités techniques, mais qui n’exige pas d’avoir, a priori, un bac pro. En plus, un jeune qui vient d’avoir son diplôme va vouloir aller plus loin, faire autre chose.
Contrôleur, un métier « très sélectif » et routinierContrôleur est également un métier « très sélectif » et routinier. « Les possibilités d’évolution ne sont pas énormes », tempère Didier Page.Souvent, les jeunes qui décrochent un bac pro dans les métiers de l'automobile veulent aller plus loin ou a minima continuer à faire de la mécanique (illustration Stéphanie Para)
Jusqu’à présent, les centres n’avaient pas eu à souffrir de pénurie de main-d’œuvre. « Notre réservoir était constitué de mécaniciens qui avaient quinze ou vingt ans d’ancienneté et qui en avaient marre de la mécanique ou qui devaient bifurquer sur une autre voie pour des problèmes de santé », précise Frédéric Vigier, à la tête de sept centres dans le Puy-de-Dôme et de 25 salariés.
Aujourd’hui, peu de titulaires d’un bac pro ont « de la bouteille » et surtout peu de ces jeunes sont intéressés par le contrôle technique.
Beaucoup de contrôleurs d'aujourd'hui ont bifurqué en seconde partie de carrièreBeaucoup de salariés vont partir en retraite dans les trois à quatre ans à venir, parce que notre réservoir était composé de CAP mécanicien qui avaient 40 ou 45 ans à l’époque de leur début de contrôleur. Là, on arrive au bout
Au sein de ses équipes, quatre salariés vont faire valoir leurs droits à la retraite dans les deux années à venir.
Le recrutement : « C'est le plus gros des problèmes que rencontre notre profession », estime le PDG de Sécuritest« C'est le plus gros des problèmes que rencontre notre profession, même si ça ne lui est pas propre, et alors qu'elle a été pendant des années un outil de deuxième partie de carrière », martèle Laurent Palmier, membre du Conseil national des professions de l’automobile et PDG du réseau Sécuritest.Didier Page, à la tête d'un centre à Clermont-Ferrand, prendra sa retraite très bientôt. Il a toutefois la chance d'avoir trouvé quelqu'un pour lui succéder (photo Rémi Dugne)
D'autant que cela pose non seulement des problèmes pour faire tourner les centres au quotidien, mais également pour la transmission de ce métier, né il y a même pas trente ans et non délocalisable.
Des discussions sont en cours avec l'Etat. « Dans un champ où énormément de personnes vont perdre leur emploi, il n'y a aucune raison qu'une profession qui est en pénurie de contrôleurs ne puissent pas ouvrir la porte à l'expérience », espère Laurent Palmier.
Un profil à contre-courant. Romain Ducros, gérant d’Autobilan à Ambert, a 30 ans. Il a racheté le fonds de commerce du centre où il a commencé comme ouvrier. Titulaire d'un bac pro mécanique, sa formation de contrôleur lui a coûté 4.000 euros. « Heureusement que j’ai trouvé un financement auprès de l’État parce que j’avais une promesse d’embauche. Pour moi, la mécanique est plus une passion. J’adore ça ! Je roule sur circuit, je fais de la préparation moteur avec mon petit frère, on adore la mécanique, mais pas dans un garage. Un jour, j'ai amené ma voiture au contrôle technique et je me suis dit : "pourquoi je ne ferais pas ça ?" Quitte à travailler, autant avoir des responsabilités. Ça me plaît, j’adore toute ce qui est un peu réglementaire… » Il emploie également un ouvrier et une secrétaire.
Gaëlle Chazal
gaelle.chazal@centrefrance.com