JUSTICE - C'est la première fois que le suspect-clé des attentats du 13 novembre 2015 comparaît publiquement. Salah Abdeslam, seul membre encore vivant des commandos jihadistes qui ont attaqué Paris en 2015, est jugé ce lundi 5 février à Bruxelles pour une fusillade avec des policiers à la fin de sa cavale en mars 2016.
Ce procès en correctionnelle n'est qu'un préambule à celui qui aura lieu en France pour les attentats qui y ont fait 130 morts. Mais il est très attendu pour savoir si le petit délinquant devenu "ennemi public numéro un" souhaite coopérer avec la justice.
Les faits pour lesquels il sera jugé de lundi à jeudi -avec relâche mardi et mercredi- remontent au 15 mars 2016. Des enquêteurs français et belges avaient été surpris par des tirs pendant une perquisition de routine dans une des planques bruxelloises de la cellule, située rue du Dries à Forest. Trois policiers avaient été blessés et un jihadiste algérien de 35 ans, Mohamed Belkaïd, tué en leur faisant face avec une kalachnikov pour couvrir la fuite d'Abdeslam et d'un complice, Sofiane Ayari, un Tunisien de 24 ans jugé avec lui à Bruxelles.
Ils encourent jusqu'à 20 ans de prison.
Revivez la première journée du procès:
Après une très courte plaidoirie de l'avocat de l'État belge, qui réclame 142.943 euros, l'audience est levée. Elle reprendra jeudi matin avec la suite des plaidoiries des parties civiles et celles de la défense. L'avocat de Salah Abdeslam a ainsi obtenu deux jours supplémentaires pour se préparer.
La présidente aimerait terminer le procès #Abdeslam demain soir. Mais son avocat Sven Mary souhaite plus de temps pour préparer sa plaidoirie.
— sara ghibaudo (@saraghibaudo) 5 février 2018
Un calendrier revu, également pour éviter la mobilisation du très important dispositif de sécurité qui entoure les deux prévenus mardi et mercredi. Prévu sur quatre jours, le procès devrait donc se tenir en 48 heures.
La présidente veut ainsi éviter de mobiliser des moyens de sécurité drastiques sur la journée de demain et de jeudi (pas d'audience prévue le mercredi) #Abdeslam
— Catherine Fournier (@cathfournier) 5 février 2018
Huit policiers participaient à la perquisition de Forest en mars 2016. Trois d'entre eux, dont une policière française, ont été blessés. L'avocate de cinq policiers, constitués partie civile, prend la parole pour débuter les plaidoiries.
Les policiers "ont énormément de respect pour les victimes des attentats, qui sont pour eux les victimes avec un grand V", a-t-elle dit, d'après une journaliste sur place.
"Si je n'avais pas parlé aux médias avant l'audience c'était parce que j'estimais que la parole devait revenir en premier lieu aux prévenus", dit Me Alié. "Mais mes clients restent sur leur faim." #Abdeslam
— Margaux Lannuzel (@MargauxLannuzel) February 5, 2018
Kathleen Grosjean, procureure fédérale, prend la parole pendant plus d'une heure. Après avoir détaillé précisément les faits remontant au 15 mars 2016, elle a requis 20 ans de prison, dont 13 ans de sûreté, à l'encontre de Salah Abdeslam et Sofiane Ayari.
Il s'agit de la peine maximale prévue devant le tribunal correctionnel pour tentative d'assassinat contre des policiers. Le tribunal avait dans un premier temps annoncé que les deux prévenus, jugés pour "tentative d'assassinat sur plusieurs policiers" et "port d'armes prohibées", le tout "dans un contexte terroriste", encouraient jusqu'à 40 ans de prison.
"C'est une véritable scène de guerre à laquelle les policiers ont été confrontés. (...) C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de mort" parmi eux, a-t-elle dit.
"Ma conviction c'est que monsieur Ayari a tiré, parce qu'on retrouve son ADN sur la poignée de l'arme, sur la détente de l'arme et sur deux chargeurs", assène la procureure. Le prévenu a nié avoir participé à la fusillade ce matin. #Abdeslam
— Margaux Lannuzel (@MargauxLannuzel) February 5, 2018
"Se sachant recherchés, pourquoi ne sont-ils pas partis tout de suite? S'ils sont restés, leur intention était bien plus, une volonté d'attaquer, de combattre l'ennemi, de tuer les policiers s'ils étaient découverts" #Abdeslam
— helenesergent (@helenesergent) February 5, 2018
Pour la procureure de Bruxelles, #Abdeslam est co auteur de la fusillade de Forest. Les 3 terroristes présumés se sont concertés en entendant les policiers défoncer la porte, se sont partagés les armes. Belcaid blessé a couvert la fuite d'#Abdeslam et Ayari.
— sara ghibaudo (@saraghibaudo) February 5, 2018
Le procès est interrompu un quart d'heure avant les plaidoiries des parties civiles.
Le procès reprend. Me Maryse Alié, qui défend cinq policiers impliqués dans la fusillade et partie civile dans ce procès, et son collègue Tom Bauwens, lui aussi avocat des parties civiles, prennent la parole sur des points de procédure.
L'audience est de nouveau suspendue. Elle reprendra en début d'après-midi.
L'audience est suspendue jusque 13h30 pour laisser du temps à Sven Mary pour s'entretenir avec son client Salah #Abdeslam
— Mel Saint-Surge (@MelBxl) February 5, 2018
(À noter que la retransmission n'a pas été coupée tandis que, dans la salle d'audience vide, Sven Mary échange avec Salah #Abdeslam. Deux policiers entourent le prévenu. Évidement, on n'a pas le son...)
— Margaux Lannuzel (@MargauxLannuzel) February 5, 2018
La cour discute du calendrier à venir. Les réquisitions et les plaidoiries des parties civiles devraient intervenir cet après-midi.
L'avocat belge de Salah Abdeslam, Sven Mary, a par ailleurs demandé à pouvoir s'entretenir avec son client au sujet de la demande de constitution de partie civile formulée par l'association V-Europe, et donc de la possibilité que la défense de l'association puisse poser des questions aux prévenus.
Face au refus de Salah Abdeslam de s'exprimer, la présidente du tribunal Marie-France Keutgen a suspendu l'audience et annoncé qu'elle entendrait ensuite les plaidoiries des parties civiles. D'après une journaliste de 20 Minutes sur place, le procès pourrait se terminer beaucoup plus tôt que prévu.
Marie-France Keutgen suspend l'audience avant de passer aux plaidoiries. Ce procès qui devait donc durer 4 jours pourrait se terminer ce soir, Salah #Abdeslam refusant de répondre aux question du tribunal.
— helenesergent (@helenesergent) 5 février 2018
Devant cette diatribe soudaine de #salahabdeslam, la présidente suspend l'audience et annonce déjà les plaidoiries des parties civiles. Le procès va sans nul doute être écourté
— Willy Le Devin (@Will_ld) February 5, 2018
Pocès #Abdeslam : pendant la suspension, à la sortie de la salle d'audience, c'est l'effervescence pic.twitter.com/1qZv8ACahZ
— Sarah Moulai (@SrhMoulai) February 5, 2018
L'interrogatoire de Sofiane Ayari est terminé. La présidente demande maintenant à Abdeslam, qui a refusé plus tôt de décliner son identité, s'il souhaite répondre à ses questions. "Je n'ai pas envie de répondre, je suis fatigué!", lui lance-t-il, toujours assis, la voix cette fois teintée d'agressivité.
Pourquoi, dès lors, avoir souhaité être là? La question le fait sortir de ses gonds. "On m'a demandé de venir, je suis venu, tout simplement", répond-t-il. "Mon silence ne fait pas de moi un criminel ni un coupable, c'est ma défense".
Puis il se lance dans une tirade qui semble préparée, mais émaillées de propos confus: "Il y a des preuves dans cette affaire, des preuves tangibles, scientifiques, j'aimerais que ce soit sur ça qu'on se base et qu'on ne se base pas, qu'on n'agisse pas pour satisfaire l'opinion publique".
"Ce que je constate, c'est que les musulmans sont jugés, traités de la pire des manières, impitoyablement, il n'y a pas de présomption d'innocence", affirme Abdeslam.
La présidente du tribunal fait tout pour le faire parler mais Salah #Abdeslam refuse à nouveau de se lever: « Je suis fatigué. Je ne répondrai pas. À aucune question. Les musulmans sont jugésde la pire des manières» dit-il d'une voix grave, avec un léger accent belge.
— Cindy Hubert (@Cindy_Hubert) February 5, 2018
Salah #Abdeslam accuse les médias et affirme qu'il "n'y a pas de présomption d'innocence"
— Delphine Gotchaux (@delphgotchaux) February 5, 2018
Ses paroles se teintent alors de religiosité: "Maintenant, jugez-moi, faites ce que vous voulez de moi, moi c'est en mon Seigneur que je place ma confiance". Et défiantes: "Je n'ai pas peur de vous, je n'ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c'est tout".
Il récite aussi la chahada, la profession de foi musulmane, devant l'assemblée stupéfaite.
"Le tribunal prend acte de votre réponse", conclut la présidente, avant de suspendre l'audience. Salah Abdeslam a parlé.
Sans surprise Salah #Abdeslam utilise ce procès comme tribune, il parle 1 minute pour réciter une propagande bien rodée . Il utilise largement un vocabulaire idéologique :"ostentation " "preuve tangible et scientifique" il sait que tout cela sera repris dans les médias @RMCinfohttps://t.co/Co1MVaNhwr
— Céline Martelet (@CelineMartelet) February 5, 2018
Sofiane Ayari s'exprime sur les faits. Il confirme avoir été en compagnie de Mohamed Belkaïd, tué pendant la fusillade, et Salah Abdeslam, lorsqu'il était dans le logement de la rue de Dries.
Il a raconté avoir été "dans la cuisine", la salle du fond, "sur la tablette" avec Salah Abdeslam, lorsque les policiers ont forcé la porte de l'appartement le 15 mars 2016 peu après 14 heures. Lorsque la fusillade éclate, Mohamed Belkaïd a selon lui tiré en direction des policiers. Mais pas lui, ni Abdeslam.
Pourtant, ce jour là, deux kalachnikov ont été utilisées. Pour Ayari, c'est Mohamed Belkaïd qui a utilisé les deux. "Avec le bruit, la poussière, le plafond qui s'écroule, difficile de voir"
— Julien Balboni (@julienbalbo) February 5, 2018
L'ADN d'Ayari a pourtant été retrouvé sur une Kalachnikov abandonnée dans une cour intérieure non loin de leur planque. D'après lui, il l'avait manipulée avant l'intervention de la police, ce qui explique la présence de son ADN.
Il n'a répondu que vaguement à la présidente qui lui demandait à qui appartenaient les armes retrouvées dans l'appartement: "Elles n'appartenaient pas spécifiquement à quelqu'un".
Sofiane Ayari refuse de répondre à plusieurs questions concernant sa fuite -alors que le quartier était bouclé-, et sa cavale pendant trois jours aux côtés de Salah Abdeslam. "Je me suis déjà exprimé. On est partis à pied."
S'il refuse de répondre à certaines questions, Sofiane Ayari en dit cependant bien plus que pendant ses nombreuses auditions à la police. Ce Tunisien était resté quasi silencieux jusqu'ici.
— Julien Balboni (@julienbalbo) February 5, 2018
Il semblerait que les problèmes de son soient résolus. S'il refuse de répondre à quelques questions, Sofiane Ayari, contrairement à Salah Abdeslam, s'exprime face à la cour. D'après des journalistes sur place, il est accompagné d'un traducteur, qui traduit ses réponses de l'arabe au français.
Il est notamment interrogé sur sa pratique religieuse et son rapport à Daech. Sofiane Ayari dit ne pas se souvenir de la présence d'un drapeau du groupe jihadiste État islamique dans l'appartement de la rue de Dries, à Forest. "Après deux ans, c'est normal que je ne me rappelle pas de tout", a-t-il dit.
"Êtes-vous favorable à Daech?", lui a demandé la présidente. "Ca dépend de plusieurs facteurs. J'adhère à certains points, pas à tous. On ne peut pas être d'accord à 100% avec l'EI. Je suis d'accord avec eux quand ils combattent Bachar El Assad", a-t-il répondu selon le quotidien belge L'Écho.
"Et que pensez-vous des attentats? - Ca les regarde. Personnellement, je n'ai pas commis d'attentat."
"Est-ce vous êtes favorables aux actions de l'EI ?" demande la présidente à Ayari. "Je suis d'accord quand ils combattent le régime de Bachar al-Assad" répond confusément le prévenu #SalahAbdeslam
— Willy Le Devin (@Will_ld) February 5, 2018
Salah Abdeslam, lui, écoute, imperturbable, sans aucune réaction, les longues minutes de témoignage de son complice.
Les journalistes assistant au procès font part sur Twitter de leurs difficultés à suivre le procès. Les places dans la salle principale étant limitées, nombre d'entre eux doivent suivre l'audience depuis une salle de retransmission. Mais le son y est semble-t-il particulièrement mauvais, voire absent.
Depuis la salle de presse, on entend principalement les questions de la présidente. #Ayari est inaudible, trop loin du micro
— Mel Saint-Surge (@MelBxl) 5 février 2018
En l'état, la couverture du procès de #SalahAbdeslam et de Sofien Ayari est impossible. Les journalistes demandent à la présidence du TGI de Bruxelles d'améliorer le dispositif de retransmission
— Willy Le Devin (@Will_ld) February 5, 2018
"Il faudrait que l'on donne un micro" dit la présidente - Liesse dans la salle de retransmission. #Abdeslam
— helenesergent (@helenesergent) February 5, 2018
Le deuxième prévenu, un Tunisien de 24 ans, est interrogé par la présidente. Il avait été arrêté en même temps que Salah Abdeslam.
Sofiane Ayari s'est levé pour répondre aux questions de la présidente. Il est cerné par deux policiers tournés vers lui, tenues et cagoules noires. #Abdeslam
— Margaux Lannuzel (@MargauxLannuzel) February 5, 2018
La présidente essaie de retracer le chemin parcouru par Sofien #Ayari de Syrie jusqu'en Allemagne. Il dit avoir fait le chemin avec des réfugiés, que rien n'était organisé au préalable, tout s'est fait par hasard
— Mel Saint-Surge (@MelBxl) February 5, 2018
Sofien #Ayari explique qu'il a été élevé dans une famille musulmane qu'il décrit comme non strict, il ne se considère pas comme quelqu'un de radical #Abdeslam
— Mel Saint-Surge (@MelBxl) February 5, 2018
Le tribunal a décidé de poursuivre le procès. D'après un journaliste de Ouest-France présent à Bruxelles, la demande de constitution de partie civile de l'association V-Europe sera examinée le 29 mars. En attendant, les débats reprennent et l'association peut y assister.
#Abdeslam l'audience est reprise : la demande de V-Europe sera examinée le 29 mars, mais l'association peut assister aux débats cette semaine.
— Pierrick Baudais (@RickPier) February 5, 2018
Les débats ont repris. Le tribunal a décidé de continuer les débats, l'asso pourra poser des questions mais ne pourra pas plaider #Abdeslam
— Catherine Fournier (@cathfournier) 5 février 2018
L'audience a été suspendue quelques minutes, dès l'ouverture du procès, pour examiner la recevabilité d'une demande de constitution de partie civile formulée par l'association V-Europe, qui regroupe des victimes des attentats de Bruxelles. L'association estime que "la fusillade de la rue du Dries s'inscrit dans un continuum entre le 13 novembre et le 22 mars".
Cette constitution de partie civile de dernière minute, qui menaçait le procès d'un report, n'a pas été bien accueillie par la défense des deux prévenus.
Pour Me Mary, l'intérêt de l'association V-Europe n'est "pas manifeste" dans ce dossier, ce que l'avocat de cette dernière réfute : "nous ne sommes pas une association de commerçants" #Abdeslam
— Julien Balboni (@julienbalbo) 5 février 2018
L'audience avait déjà été repoussée mi-décembre pour laisser le temps à Sven Mary, l'avocat de Salah Abdeslam tout juste rappelé à ses côtés, de prendre connaissance du dossier.
L'enjeu de ce procès, qui n'est pas celui des attentats du 13-Novembre, était de savoir si Abdeslam sortirait du mutisme qu'il observe face aux enquêteurs depuis son arrestation. Mais l'intéressé a d'emblée refusé de se lever et de décliner son identité face à la cour, comme le lui demandait la présidente Marie-France Keutgen à l'ouverture de l'audience.
"Je ne souhaite pas répondre", a-t-il d'abord bredouillé d'une voix faible. "Au moins les questions sur votre identité ?", tente la présidente. "Je ne souhaite pas répondre aux questions", répète-t-il, avant de se murer dans le silence.
Salah Abdeslam ne s'est pas levé. Il n'a pas voulu décliner son identité.
— Julien Balboni (@julienbalbo) 5 février 2018
Salah Abdeslam a fait son entrée au tribunal, encadré par deux colosses de la police belge. Barbe touffue et cheveux gominés, il a l'oeil noir et les sourcils froncés quand il pénètre dans la salle, sans un regard pour l'assistance. Démenotté, il se recoiffe vers l'arrière d'un geste des deux mains et s'assoit.
Il porte une veste gris clair, une chemise blanche, un pantalon noir et des chaussures de ville marron, un effort vestimentaire qui contraste avec le survêtement de son coprévenu, Sofiane Ayari.
Salah Abdedslam a fait savoir par le biais de son avocat qu'il souhaitait qu'aucune image de lui ne soit prise par les médias.
Les magistrats entrent dans la salle. Le tribunal est présidé par la juge Marie-France Keutgen. #Abdeslam
— Julien Balboni (@julienbalbo) 5 février 2018
À l'inverse d'un accusé aux assises, qui comparaît dans un box, le prévenu de l'audience correctionnelle est placé comme à l'habitude face au tribunal, au premier rang de la salle d'audience, tournant le dos au public.
Salah #Abdeslam a les cheveux longs et une barbe fournie.
— Noemie Schulz (@noemieschulz) 5 février 2018
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